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Gazettes & Sites Royaux

rois.jpg
 Ils sont tous là !
Ils nous regardent et nous racontent 14 siècles d'Histoire de France

 

6 février 2017 1 06 /02 /février /2017 00:00
alt=Description de cette image, également commentée ci-après
 
 
 
Jeanne de Bourbon
morte le 6 février 1377 à Paris
(Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique de la maison royale de France, t. I, La Compagnie des Libraires, Paris, 1725, p. 110)
File:PohrebJanyBourbonske.jpg

Jeanne de Bourbon meurt à la naissance de sa fille Catherine.

 

Froissart dit de cet événement:  

«La reine étant enceinte, les médecins lui avaient interdit le bain comme contraire et périlleux. Malgré leur opposition, elle voulut se baigner et de là conçut le mal de la mort »

 

Charles V s'en montre très affligé.

«Elle est ma belle lumière et le soleil de mon royaume» dit-il.

 

Christine de Pisan écrit du deuil royal:

«Le roi fut très dolent du trépas de la reine ; malgré sa grande vertu de constance, cette séparation lui causa si grande douleur et dura si longtemps que jamais on ne lui vit pareil deuil: car moult s’aimaient de grande amour»

 

Inhumée à la Basilique royale Saint-Denis

 

 

 

Elle était fille de Pierre Ier, duc de Bourbon, et d'Isabelle de Valois

Biographie

Fille du duc Pierre Ier de Bourbon, elle naît au château de Vincennes quelques jours après son cousin le futur roi de France, Charles V

 

Les deux enfants sont baptisés à l'église de Montreuil le même jour.

alt=Description de cette image, également commentée ci-après
Jeanne de Bourbon et son mari, le roi Charles V
Cette sculpture, anonyme, est conservée au musée du Louvre
(aile Richelieu, rez-de-chaussée, salle 9)
Reine consort de France

Le 8 avril 1350 à Tain-l'Hermitage, elle épouse le dauphin Charles, petit-fils du roi Philippe VI.

 

Descendance

De son union avec le roi Charles V sont issus neuf enfants:

 

En 1364, à la mort de son père Jean II le Bon, son fils lui succède sous le nom de Charles V et Jeanne devient reine consort de France.

 

Alors dauphin, Charles affiche sa liaison avec Biette de Casinel et délaisse son épouse, d'où la naissance de la relation de celle-ci avec Hippolyte de Saint-Alphon.

 

Après son sacre, le 19 mai 1364, le roi se rapproche de son épouse et le couple devient alors très uni.

 

Charles V demande très souvent l’avis de son épouse, aussi bien en politique qu’en matière de lettres et d’art.

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5 février 2017 7 05 /02 /février /2017 00:00

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 4 février 2017).

En bas de page, vous avez désormais les versions vidéo des commentaires, trouvées sur KTO TV.

*************

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE   58, 7 - 10

 

                                 Ainsi parle le SEIGNEUR :
7            Partage ton pain avec celui qui a faim,
              accueille chez toi les pauvres sans abri,
              couvre celui que tu verras sans vêtement,
              ne te dérobe pas à ton semblable.
8            Alors ta lumière jaillira comme l’aurore,
              et tes forces reviendront vite.
              Devant toi marchera ta justice,
              et la gloire du SEIGNEUR fermera la marche.
9            Alors, si tu appelles, le SEIGNEUR répondra ;
              si tu cries, il dira : « Me voici. »
              Si tu fais disparaître de chez toi
              le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante,
10          si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires,
              et si tu combles les désirs du malheureux,
              ta lumière se lèvera dans les ténèbres
              et ton obscurité sera lumière de midi.

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À première vue, on pourrait prendre ce texte pour une belle leçon de morale et ce ne serait déjà pas si mal ! Mais, en fait, il s’agit de bien autre chose : je vous rappelle le contexte ; nous sommes à la fin du sixième siècle avant J.-C. ; le retour d’Exil est chose faite, mais il reste encore bien des séquelles de cette période terrible ; puisque, un peu plus bas, le même prophète parle des « dévastations du passé » et des ruines à relever.

              La pratique religieuse s’est remise en place à Jérusalem et, de bonne foi, on s’efforce de plaire à Dieu. Mais notre prophète est ici chargé de délivrer un message un peu délicat : oui, vous voulez plaire à Dieu, c’est une affaire entendue, seulement voilà : le culte qui plaît à Dieu n’est pas ce que vous croyez ; et le prophète leur adresse de lourds reproches : vous cherchez à vous faire bien voir de Dieu par des jeûnes spectaculaires parce que vous voulez vous attirer ses bonnes grâces, mais pendant ce temps vous n’êtes que disputes, querelles, brutalités, appât du gain.

              Voici ce que dit Isaïe, quelques lignes avant notre texte d’aujourd’hui : « Le jour de votre jeûne, vous savez (quand même) tomber sur une bonne affaire, et tous vos gens de peine, vous les brutalisez ! Vous jeûnez tout en cherchant querelle et dispute, et en frappant du poing méchamment ! Vous ne jeûnez pas comme il convient en un jour où vous voulez faire entendre là-haut votre voix. Doit-il être comme cela le jeûne que je préfère, le jour où l’homme s’humilie ? S’agit-il de courber la tête comme un jonc, d’étaler en litière sac et cendre ? Est-ce pour cela que tu proclames un jeûne ? » (58, 4-5).

              Cela nous vaut l’un des textes les plus percutants de l’Ancien Testament ! Dommage que nous ne le lisions pas plus souvent ! Car il bouscule nos idées sur Dieu et sur la religion : nous avons là la réponse à l’une de nos grandes questions : « Qu’est-ce que Dieu attend de nous ? » Et, en fait de réponse, on ne peut pas être plus clair !

              En quelques lignes, tout est dit ; mais comme toujours, quand un texte est très dense, on peut se dire qu’il a été longuement travaillé : c’est bien le cas ici, pour ce passage d’Isaïe. Car ces quelques lignes sont l’aboutissement de toute l’œuvre des prophètes. Depuis des siècles, en Israël, et pas seulement depuis l’Exil, depuis Abraham, c’est-à-dire à peu près 1850 ans av. J.-C., on cherche à faire ce qui plaît à Dieu. On a tout essayé : les sacrifices humains, d’abord, mais Dieu a tout de suite fait savoir qu’avec lui, le Dieu des vivants, il ne pouvait pas en être question ; alors on a continué à offrir des sacrifices, mais d’animaux seulement ; et puis il y a eu, comme dans toutes les religions, des jeûnes, des offrandes de toute sorte, des prières.

              Tout au long de ce lent développement de la foi d’Israël, les prophètes appelaient le peuple à ne pas se contenter du culte mais à vivre l’Alliance au quotidien. Et c’est bien le sens de ce passage. Le prophète commence par dire (juste avant notre texte de ce dimanche) : « Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui ployaient, bref que vous mettiez en pièces tous les jougs ! » Si je comprends bien, aux yeux de Dieu, tout geste qui vise à libérer nos frères vaut mieux que le jeûne le plus courageux.

         Puis vient le passage que nous avons entendu tout à l’heure qui nous propose des gestes de partage : nourrir l’affamé, et désaltérer l’assoiffé, recueillir le malheureux sans abri, vêtir celui qui a froid, combler le désir des malheureux... en un mot secourir toutes les souffrances que nous rencontrons.

         Je vous propose trois remarques : premièrement, les gestes de libération, les gestes de partage qu’Isaïe nous recommande sont tout simplement l’imitation de l’œuvre de Dieu lui-même ; Israël a expérimenté bien souvent l’action du Dieu libérateur et la compassion du Dieu miséricordieux ; et ce qui lui est demandé, c’est de faire les mêmes gestes à son tour. Décidément, l’homme est vraiment fait pour être l’image de Dieu ! Et si l’on en croit les prophètes, notre attitude envers les autres est le meilleur thermomètre de notre attitude envers Dieu

         Deuxièmement, alors on ne s’étonne pas qu’Isaïe puisse promettre : « Si tu combles les désirs du malheureux, la gloire du SEIGNEUR t’accompagnera » (« la gloire du SEIGNEUR », c’est-à-dire le rayonnement de sa présence) ; ce n’est pas une récompense ! C’est beaucoup mieux que cela : c’est une réalité... car, réellement, quand nous agissons à la manière de Dieu par des actes qui libèrent, qui rassurent, qui encouragent, qui adoucissent les épreuves de toute sorte, alors il nous est donné de refléter un peu pour eux la lumière de Dieu. Et vous avez remarqué l’insistance d’Isaïe sur la lumière : « Alors ta lumière jaillira comme l’aurore... ta lumière se lèvera dans les ténèbres, ton obscurité sera comme la lumière de midi ». Bien sûr, puisqu’il s’agit de la lumière même de Dieu. Pour le dire autrement, Isaïe nous dit « Quand tu donnes, tu reflètes la présence de Dieu. » Une fois de plus on peut rappeler cette superbe phrase de la tradition chrétienne « Là où il y a de l’amour, là est Dieu ».

         Troisièmement, tout acte de justice, de libération, de partage est un pas vers le Royaume de Dieu : puisque, justement, ce Royaume que tout l’Ancien Testament attend est le lieu de la justice et de l’amour ; c’est bien le sens de l’évangile de dimanche dernier, celui des Béatitudes, dans lequel Jésus nous dit que le Royaume est construit au jour le jour par les doux, les purs, les pacifiques, les assoiffés de justice et de miséricorde.

PSAUME  111 (112)


 

4            Lumière des cœurs droits, il s’est levé dans les ténèbres,
              homme de justice, de tendresse et de pitié.
5            L’homme de bien a pitié, il partage ;
              il mène ses affaires avec droiture.

 

6            Cet homme jamais ne tombera ;
              toujours on fera mémoire du juste.
7            Il ne craint pas l’annonce d’un malheur :
              le cœur ferme, il s’appuie sur le Seigneur.
 

8            Son cœur est confiant, il ne craint pas.
9            À pleines mains, il donne au pauvre ;
              à jamais se maintiendra sa justice,
              sa puissance grandira, et sa gloire !

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Chaque année, au cours de la fête des Tentes, cette fête qui dure, encore aujourd’hui, une semaine à l’automne, le peuple entier faisait ce qu’on pourrait appeler sa « profession de foi » : il renouvelait l’Alliance avec Dieu et s’engageait de nouveau à respecter la Loi. Le psaume 111/112 était certainement chanté à cette occasion.

         L’ensemble de ce psaume est à lui seul un petit traité de la vie dans l’Alliance : pour mieux le comprendre, il faut le lire depuis le début. Je vous lis le premier verset : « Alléluia !  Heureux qui craint le SEIGNEUR, qui aime entièrement sa volonté ! »

Tout d’abord, donc, il commence par le mot Alléluia, littéralement « Louez Dieu » qui est le maître-mot des croyants : quand l’homme de la Bible nous invite à louer Dieu, c’est pour le don de l’Alliance précisément. Ensuite, ce psaume se présente comme un psaume alphabétique : c’est-à-dire qu’il comporte vingt-deux lignes, autant qu’il y a de lettres dans l’alphabet hébreu ; le premier mot de chaque ligne commence par une lettre de l’alphabet dans l’ordre alphabétique ; manière d’affirmer que l’Alliance avec Dieu concerne toute la vie de l’homme et que la Loi de Dieu est le seul chemin du bonheur pour la totalité de la vie, de A à Z. Enfin, le premier verset commence par le mot « heureux » adressé à l’homme qui sait se maintenir sur le chemin de l’Alliance.

         Cela fait immédiatement penser à l’évangile des Béatitudes qui résonne de ce même mot « heureux » : Jésus employait là un mot très habituel dans la Bible mais que malheureusement notre traduction française ne peut pas rendre complètement ; dans son commentaire des psaumes, André Chouraqui faisait remarquer que la racine hébraïque de ce mot « a pour sens fondamental la marche, le pas de l’homme sur la route sans obstacle qui conduit vers le Seigneur. » Il s’agit donc « moins du bonheur que de la démarche qui y conduit. » C’est pour cela que le même Chouraqui traduisait le mot « Heureux » par « En Marche », sous-entendu, vous êtes sur la bonne voie, continuez ».

         Généralement, dans la Bible, le mot « heureux » ne va pas tout seul, il est opposé à son contraire « malheureux » : l’idée générale étant qu’il y a dans la vie des fausses pistes à éviter ; certains chemins (traduisez choix, comportements) vont dans le bon sens et d’autres, opposés, ne sèmeront que du malheur. Et si on lit ce psaume en entier dans la Bible, on s’aperçoit qu’il est construit de cette manière ; le psaume 1 qui est plus connu est, lui aussi, construit exactement de la même façon : il commence par détailler longuement quels sont les bons choix, ce qui est chemin de bonheur pour tous et, beaucoup plus brièvement, parce que cela ne vaut pas la peine d’en parler, les mauvais choix.     

         Ici, le bon choix est précisé dès le premier verset : « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR ! » Nous retrouvons cette expression si fréquente dans l’Ancien Testament : « la crainte de Dieu » ; malheureusement, la lecture liturgique est coupée ici et ne nous fait pas entendre la seconde ligne de ce premier verset ; je vous le lis en entier : « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR, qui aime entièrement sa volonté. » Voilà donc une définition de la « crainte de Dieu » : c’est l’amour de sa volonté. Parce qu’on est en confiance, tout simplement. La crainte du Seigneur, on le sait bien, n’est pas de l’ordre de la peur : d’ailleurs, un peu plus bas, un autre verset le précise bien : « L’homme de bien... s’appuie sur le SEIGNEUR ; son cœur est confiant... »

          La « crainte de Dieu » au sens biblique, c’est à la fois la conscience de la Sainteté de Dieu, la reconnaissance de tout ce qu’il fait pour l’homme, et, puisqu’il est notre Créateur, le souci de lui obéir ; car, s’il est notre Créateur, lui seul sait ce qui est bon pour nous. C’est une attitude filiale de respect et d’obéissance confiante. La double découverte d’Israël c’est à la fois que Dieu est le Tout-Autre ET qu’il se fait le Tout-Proche. Il est infiniment puissant, oui, mais cette toute-puissance est celle de l’amour. Nous n’avons donc rien à craindre puisqu’il peut et veut notre bonheur ! Vous connaissez ce verset du psaume 102/103 : « Comme la tendresse du père pour ses fils, ainsi est la tendresse du SEIGNEUR pour qui le craint ». Craindre le Seigneur, c’est bien avoir à son égard une attitude de fils à la fois respectueux et confiant. C’est aussi « s’appuyer sur lui » : « L’homme de bien... s’appuie sur le SEIGNEUR ; son cœur est confiant ».

         Voici donc la juste attitude envers Dieu, celle qui met l’homme sur la bonne voie : « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR ! » Voici maintenant la juste attitude envers les autres : « L’homme de bien a pitié, il partage ; homme de justice, de tendresse et de pitié... À pleines mains, il donne au pauvre. »        La formule « homme de justice, de tendresse et de pitié » fait irrésistiblement penser à la définition que Dieu a donnée de lui-même à Moïse : « Le SEIGNEUR, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté ... » (Ex 34, 6). Et d’ailleurs, le psaume précédent (110/111) qui ressemble beaucoup à celui-ci emploie exactement les mêmes mots « justice, tendresse et pitié » pour Dieu et pour l’homme. Manière de dire que l’observation quotidienne de la Loi, dans toute notre vie, de A à Z, comme le symbolise l’alphabétisme de ce psaume, finit par nous modeler à l’image et à la ressemblance de Dieu.

         J’ai bien dit ressemblance : le psalmiste n’oublie pas que le Seigneur est le Tout-Autre : les formules ne sont donc pas exactement les mêmes : pour Dieu on dit qu’Il  « EST » justice, tendresse et pitié... alors que pour l’homme, le psalmiste dit « il est homme DE justice, DE tendresse, DE pitié », ce qui veut dire que ce sont des vertus qu’il pratique, ce n’est pas son être même. Ces vertus, il les tient de Dieu, il les reflète en quelque sorte.

         Et alors parce que son action est à l’image de celle de Dieu, l’homme de bien est une lumière pour les autres : « Lumière des cœurs droits, il s’est levé dans les ténèbres ». Là encore, il y a un écho à la lecture d’Isaïe « Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement... alors ta lumière jaillira comme l’aurore ». C’est quand nous donnons et partageons, que nous sommes le plus à l’image de Dieu, lui qui n’est que don. Alors, à notre petite mesure, nous reflétons sa lumière.

LECTURE DE LA PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS  2, 1- 5

 

1             Frères,  
              quand je suis venu chez vous,           
              je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu         
              avec le prestige du langage ou de la sagesse.
2            Parmi vous, je n'ai rien voulu connaître d'autre que Jésus Christ
              ce Messie crucifié.
3            Et c'est dans la faiblesse,      
              craintif et tout tremblant,      
              que je me suis présenté à vous.
4            Mon langage, ma proclamation de l’Évangile,         
              n'avaient rien d’un langage   
              de sagesse qui veut convaincre ;       
              mais c'est l'Esprit et sa puissance qui se manifestaient,
5            pour que votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes,       
              mais sur la puissance de Dieu.

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          Saint Paul, comme souvent, procède par contrastes : première opposition, le mystère de Dieu est tout différent de la sagesse des hommes ; deuxième opposition, le langage de l’apôtre qui annonce le mystère est tout différent du beau langage humain, de l’éloquence. Je reprends ces deux oppositions : mystère de Dieu / sagesse humaine ; langage du prédicateur / éloquence, (ou art oratoire, si vous préférez).

          Et, tout d’abord l’opposition mystère de Dieu ou sagesse humaine : Paul dit qu’il est venu « annoncer le mystère de Dieu » ; il faut entendre par là le « dessein bienveillant » de Dieu que la lettre aux Éphésiens développera plus tard : ce dessein bienveillant, c’est de faire de l’humanité une communion parfaite d’amour autour de Jésus-Christ : il est donc fondé sur les valeurs de l’amour, du service mutuel, du don, du pardon ; et on voit bien que Jésus le met en œuvre déjà tout au long de sa vie terrestre. On est donc très loin  d’un Dieu de puissance au sens militaire du terme que certains imaginent.

          Ce mystère de Dieu s’accomplit par un « Messie crucifié » : c’est tout à fait contraire à notre logique humaine ; c’est même presque un paradoxe ;  Paul l’affirme, Jésus de Nazareth est bien le Messie ; mais pas comme on l’attendait. On ne l’attendait pas crucifié ; et même, selon notre logique humaine, le fait qu’il soit crucifié tendait à prouver qu’il n’était pas le Messie : tout le monde avait en tête une célèbre phrase du Deutéronome : d’après laquelle un homme qui avait été condamné à mort au nom de la Loi, et exécuté, était maudit de Dieu. (Dt 21, 22-23).

          Et pourtant, ce dessein du Dieu tout-puissant, ce n’est « rien d’autre que Jésus-Christ » comme dit Paul... Quand il témoigne de sa foi, il n’a rien d’autre à dire que Jésus-Christ ; pour lui, Jésus-Christ est vraiment le centre de l’histoire humaine, le centre du projet de Dieu, le centre de sa foi. Il ne veut rien connaître d’autre : « Je n’ai rien voulu connaître d’autre » ; derrière cette phrase, on perçoit les difficultés de ne pas céder aux pressions de toute sorte, aux injures, à la persécution déjà.

        Ce Messie crucifié nous fait connaître ce qu’est la véritable sagesse, la sagesse de Dieu : c’est-à-dire don et pardon, refus de la violence... C’est bien le message de l’évangile des Béatitudes. 

          Face à cette sagesse divine, la sagesse humaine est raison raisonnante, persuasion, force, puissance ; cette sagesse-là ne peut même pas entendre le message de l’évangile ; et, d’ailleurs, Paul a  essuyé un échec à Athènes, le haut lieu de la philosophie.

          Deuxième opposition dans ce texte : langage de prédicateur, ou art oratoire. Paul n’a aucune prétention du côté de l’éloquence : voilà déjà de quoi nous rassurer, si nous n’avons pas la parole trop facile ! Mais Paul va plus loin : pour lui, l’éloquence, l’art oratoire, la faculté de persuasion seraient une gêne parce que totalement incompatibles avec le message de l’évangile. Annoncer l’Évangile ce n’est pas faire étalage d’un savoir ni asséner des arguments. Il est intéressant, d’ailleurs, de remarquer que dans le mot « convaincre », il y a « vaincre ». Il n’est peut-être pas à sa place quand on prétend annoncer la religion de l’Amour. La foi, comme l’amour, n’est pas affaire de persuasion... Allez donc persuader quelqu’un de vous aimer... On sait bien que l’amour ne se raisonne pas, ne se démontre pas... Le mystère de Dieu non plus ; on peut seulement y pénétrer peu à peu.

         Le mystère d’un Messie pauvre, d’un Messie-Serviteur, d’un Messie crucifié, ne peut pas s’annoncer par des moyens de puissance : ce serait le contraire du mystère annoncé ! C’est dans la pauvreté que l’évangile s’annonce : voilà qui devrait nous redonner du courage ! Le Messie pauvre ne peut être annoncé que par des moyens pauvres, le Messie serviteur ne peut être annoncé que par des serviteurs.

         Il ne faut donc pas nous inquiéter de n’être pas de très bons orateurs, car notre pauvreté de langage est seule compatible avec le message de l’évangile ; mais Paul va même jusqu’à dire que notre pauvreté de prédicateurs est une condition incontournable de la prédication ! Elle seule peut laisser le champ libre à l’action de Dieu. Ce n’est pas lui, Paul, qui a convaincu les Corinthiens, c’est l’Esprit de Dieu qui a donné à la prédication de Paul la force de la vérité en leur faisant découvrir le Christ.

         J’en déduis que ce n’est pas non plus la force de notre raisonnement qui convaincra nos contemporains : leur foi ne reposera pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de l’Esprit de Dieu. Nous ne pouvons que lui prêter notre voix. Évidemment cela exige de nous un terrible acte de foi : « C’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant que je suis arrivé chez vous. Mon langage, ma proclamation de l’évangile n’avaient rien à voir avec le langage d’une sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu ».

         Au moment où nous avons l’impression que le cercle des croyants rétrécit comme une peau de chagrin, au moment où nous rêverions de moyens de puissance médiatique, télématique, électronique de toute sorte, et alors que nos moyens financiers sont révisés à la baisse, il nous est bon de nous entendre dire que

Si je comprends bien, l’annonce de l’évangile s’accommode mieux des moyens de pauvreté... Mais pour accepter cette vérité-là, il faut admettre que l’Esprit-Saint est meilleur prédicateur que nous ! Et que, peut-être, le témoignage de notre pauvreté serait la meilleure des prédications ?

ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU   5, 13 -16

 

                                  En ce temps-là,
              Jésus disait à ses disciples :
13          « Vous êtes le sel de la terre.
              Mais si le sel devient fade,
              avec quoi sera-t-il salé ?
              Il ne vaut plus rien :
              on le jette dehors et il est piétiné par les gens.
 
14          Vous êtes la lumière du monde.
              Une ville située sur une montagne
              ne peut être cachée.
15          Et l’on n’allume pas une lampe
              pour la mettre sous le boisseau ;
              on la met sur le lampadaire,
              et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.
16          De même, que votre lumière brille devant les hommes :
              alors, voyant ce que vous faites de bien,
              ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »

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Tant mieux si une lampe est jolie, mais franchement, ce n’est pas le plus important ! Ce qu’on lui demande d’abord, c’est d’éclairer ; et d’ailleurs, si elle n’éclaire pas bien, si on n’y voit rien, comme on dit, on ne verra pas non plus qu’elle est jolie ! Quant au sel, sa vocation est de disparaître en remplissant son office : mais s’il manque, le plat sera moins bon.

         Je veux dire par là que sel et lumière n’existent pas pour eux-mêmes ; d’ailleurs, je remarque au passage, que Jésus leur dit « Vous êtes le sel de la terre... Vous êtes la lumière du monde » : ce qui compte, c’est la terre, c’est le monde ; le sel et la lumière ne comptent que par rapport à la terre et au monde ! En disant à ses disciples qu’ils sont le sel et la lumière, Jésus les met en situation missionnaire. Il leur dit : « Vous qui recevez mes paroles, vous devenez, par le fait même, sel et lumière pour ce monde : votre présence lui est indispensable ». Ce qui revient à dire que l’Église n’existe que POUR le monde. Voilà qui nous remet à notre place, comme on dit ! Déjà la Bible avait répété au peuple d’Israël qu’il était le peuple élu, certes, mais au service du monde ; cette leçon-là reste valable pour nous.

         Je reviens au sel et à la lumière : on peut se demander quel point commun il y a entre ces deux éléments, auxquels Jésus compare ses disciples. Réponse : ce sont des révélateurs ; le sel met en valeur la saveur des aliments, la lumière fait connaître la beauté des êtres et du monde. Les aliments existent avant de recevoir le sel ; les êtres, le monde existent avant d’être éclairés. Cela nous en dit long sur la mission que Jésus confie à ses disciples, à nous. Personne n’a besoin de nous pour exister, mais apparemment, nous avons un rôle spécifique à jouer.

         Sel de la terre, nous sommes là pour révéler aux hommes la saveur de leur vie. Les hommes ne nous attendent pas pour vivre des gestes d’amour et de partage parfois magnifiques. Évangéliser, c’est dire « le Royaume est au milieu de vous, dans tout geste, toute parole d’amour » ; c’est là qu’ils nous attendent si j’ose dire : pour leur révéler le Nom de Celui qui agit à travers eux : puisque « là où il y a de l’amour, là est Dieu ».

         Lumière du monde, nous sommes là pour mettre en valeur la beauté de ce monde : c’est le regard d’amour qui révèle le vrai visage des personnes et des choses. L’Esprit Saint nous a été donné précisément pour que nous puissions entrer en résonance avec tout geste ou parole qui vient de lui.

          Mais cela ne peut se faire que dans la discrétion et l’humilité. Trop de sel dénature le goût des aliments au lieu de le mettre en valeur. Une lumière trop forte écrase ce qu’elle veut éclairer. Pour être sel et lumière, il faut beaucoup aimer. 

         Il suffit d’aimer, mais il faut vraiment aimer. C’est ce que les textes de ce jour nous répètent selon des modes d’expression différents mais de façon très cohérente. L’évangélisation n’est pas une conquête. La Nouvelle Évangélisation n’est pas une reconquête. L’annonce de la Bonne Nouvelle ne se fait que dans une présence d’amour. Rappelons-nous la mise en garde de Paul aux Corinthiens : il leur rappelle que seuls les pauvres et les humbles peuvent prêcher le Royaume

         Cette présence d’amour peut être très exigeante si j’en crois la première lecture : le rapprochement entre le texte d’Isaïe et l’évangile est très suggestif. Être la lumière du monde selon l’expression de l’évangile, c’est se mettre au service de nos frères ; et Isaïe est très concret : c’est partager le pain ou les vêtements, c’est faire tomber tous les obstacles qui empêchent les hommes d’être libres

         Et le psaume de ce dimanche ne dit pas autre chose : « l’homme de bien », c’est-à-dire « celui qui partage ses richesses de toute sorte à pleines mains » est une lumière pour les autres. Parce qu’à travers ses paroles et ses gestes d’amour, les autres découvriront la source de tout amour : comme dit Jésus, « En voyant ce que les disciples font de bien, les hommes rendront gloire au Père qui est aux cieux. » c’est-à-dire qu’ils découvriront que le projet de Dieu sur les hommes est un projet de paix et de justice.

         À l’inverse, on peut se demander comment les hommes pourront croire au projet d’amour de Dieu tant que nous, qui sommes répertoriés comme ses ambassadeurs, nous ne multiplions pas les gestes de solidarité et de justice que notre société exige ; on peut penser d’ailleurs que le sel est sans cesse en danger de s’affadir : car il est tentant de laisser tomber dans l’oubli les paroles fortes du prophète Isaïe, celles que nous avons entendues dans la première lecture ; ce n’est peut-être pas un hasard, d’ailleurs, si l’Église nous les donne à entendre peu de temps avant l’ouverture du Carême, ce moment où nous nous demanderons de très bonne foi quel est le jeûne que Dieu préfère. 

         Dernière remarque : cet évangile d’aujourd’hui (sur le sel et la lumière) suit immédiatement dans l’évangile de Matthieu la proclamation des Béatitudes : il y a donc certainement un lien entre les deux. Et nous pouvons probablement éclairer ces deux passages l’un par l’autre. Peut-être le meilleur moyen d’être sel et lumière pour le monde est-il tout simplement de développer chacun la Béatitude à laquelle nous sommes appelés ? Être sel de la terre, être lumière du monde, c’est vivre selon l’esprit des Béatitudes, c’est-à-dire exactement à l’opposé de l’esprit du monde ; c’est accepter de vivre selon des valeurs d’humilité, de douceur, de pureté, de justice. C’est être artisans de paix en toute circonstance, et, plus important que tout peut-être, accepter d’être pauvres et démunis, en n’ayant en tête qu’un seul objectif : « qu’en voyant ce que les disciples font de bien, les hommes rendent gloire à notre Père qui est aux cieux. »

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Compléments

- D’après l'un des textes du Concile sur l'Église (« Lumen Gentium »), la vraie lumière du monde, ce n'est pas nous, c'est Jésus-Christ.

- En disant à ses disciples qu'ils sont lumière, Jésus leur révèle ni plus ni moins que c'est Dieu lui même qui brille à travers eux, car, dans les écrits bibliques, comme dans le Concile, il est toujours bien précisé que toute lumière vient de Dieu.

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29 janvier 2017 7 29 /01 /janvier /2017 00:00

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE SOPHONIE  2, 3 ...  3, 13

 

2,3         Cherchez le SEIGNEUR,
              vous tous, les humbles du pays,
              qui accomplissez sa loi.
              Cherchez la justice,
              cherchez l’humilité :
              peut-être serez-vous à l’abri
              au jour de la colère du SEIGNEUR.
 

3,12       Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ;
              il prendra pour abri le nom du SEIGNEUR.
3,13       Ce reste d’Israël ne commettra plus d’injustice ;
              ils ne diront plus de mensonge ;
              dans leur bouche, plus de langage trompeur.
              Mais ils pourront paître et se reposer,
              nul ne viendra les effrayer.

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Le livre de Sophonie est surprenant parce que très contrasté : on y trouve d’une part des menaces terribles contre Jérusalem, et, dans ces passages-là, le prophète a l’air très en colère, et, d’autre part, des encouragements, des promesses de lendemains heureux, toujours adressés à Jérusalem. Reste à savoir pour qui sont les menaces et pour qui les encouragements. 

  Il faut donc faire un petit détour par l’histoire : nous sommes au septième siècle avant Jésus-Christ, dans le royaume de Juda, c’est-à-dire le royaume du Sud ; le jeune roi Josias vient de monter sur le trône, à l’âge de huit ans, à la suite de l’assassinat de son père. Jérusalem vit donc des temps très troublés, c’est le moins qu’on puisse dire.

  Vous vous souvenez qu’à cette époque-là, l’empire assyrien, dont la capitale est Ninive, est en pleine expansion ; sous la menace assyrienne les rois ont préféré capituler d’avance ; cela veut dire en clair que le royaume de Jérusalem est vassal de Ninive.

  Or il y a toujours eu une querelle entre les rois et les prophètes sur ce point : le raisonnement des rois, c’est : quand on est un tout petit peuple, on ne peut pas éviter d’être dominé par de plus grands. Et après tout, c’est un moindre mal, plutôt que de disparaître complètement.

  Les prophètes, eux, tiennent farouchement à la liberté politique du peuple élu. D’abord, demander alliance à un roi de la terre, c’est la preuve qu’on ne fait pas confiance au roi du ciel ! Dieu vous a libérés d’Égypte, ce n’est pas pour vous laisser mourir maintenant. Vous avez fait alliance avec Dieu, contentez-vous de cette alliance-là, n’en cherchez pas d’autre.

  Deuxièmement, si vous faites alliance avec les païens, tôt ou tard, vous deviendrez païens vous aussi : il y aura inévitablement des périodes de persécution où la puissance dominante attaquera votre religion ; sans aller jusque-là, accepter la tutelle assyrienne, c’était déjà accepter de voir s’installer dans la capitale d’Israël les représentants d’une puissance étrangère ; c’était donner de mauvais exemples : mettre sous les yeux de tout le peuple les manières de vivre et de penser des peuples païens ; c’était introduire dans Jérusalem les coutumes, la mode, les lois et plus gravement encore les pratiques religieuses du vainqueur.

  Par exemple, on a retrouvé des contrats commerciaux concernant des Juifs, rédigés en assyrien et selon le droit assyrien. Et, pire encore, il se trouve désormais à Jérusalem des prêtres qui pratiquent d’autres religions que celle du Dieu d’Israël. Or, et c’est là le grand danger, si Israël perd la foi au Dieu unique, il ne peut plus remplir sa mission de peuple élu.

  Voilà donc les raisons de la colère de Sophonie et pourquoi une bonne partie de son livre est faite de menaces : « J’étendrai la main contre (la province de) Juda et contre tous les habitants de Jérusalem, et je supprimerai de ce lieu ce qui reste du Baal, le nom de ses officiants et les prêtres avec eux... ceux qui se détournent du SEIGNEUR, qui ne le recherchent pas et ne le consultent pas. » (So 1, 4... 6). Ce sera le Jour de la Colère du SEIGNEUR* : vous avez reconnu le fameux texte du « Dies Irae » que nous entendons dans certains « Requiem » célèbres.

  Mais parallèlement à ces menaces, le livre de Sophonie délivre un message de réconfort, adressé à ceux qu’il appelle « les humbles du pays » (en hébreu les « anavim », littéralement les « courbés »). Ceux-là, visiblement, ne risquent rien de la colère du SEIGNEUR : « Cherchez le SEIGNEUR, vous tous les humbles du pays, vous qui faites sa volonté. Cherchez la justice, cherchez l’humilité : peut-être serez-vous à l’abri au jour de la colère du SEIGNEUR ». Ce Jour de colère, c’est celui où  Dieu renouvellera la Création tout entière. Jour magnifique pour tous ceux qui auront mis leur confiance en Dieu : le Mal, sous toutes ses formes, sera enfin détruit. Les « dos courbés » peuvent donc déjà se redresser, reprendre courage : Dieu lui-même est à leurs côtés.

  Reste à savoir de quel bord nous sommes : devons-nous craindre ce fameux Jour de colère du SEIGNEUR ? Sommes-nous visés par les menaces ou par les encouragements ? Depuis, nous avons appris à lire ces textes : l’humanité n’est pas divisée en deux, les justes, bons, les humbles, d’un côté... les coupables, les arrogants, les orgueilleux de l’autre. Chacun de nous est visé par ces deux langages, c’est en chacun de nous que Dieu a « du ménage à faire », si j’ose dire. Le jugement de Dieu, c’est un tri à l’intérieur de nous-mêmes.

  Et nous sommes tous invités à nous convertir, à devenir ces « humbles du pays », dont parle Sophonie : il les appelle aussi « le Reste d’Israël » :  là, il reprend le mot et l’idée lancés au siècle précédent, par les prophètes Isaïe, Amos, Michée : l’idée, c’est : puisque, premièrement, Dieu a choisi Israël comme un instrument privilégié de son projet sur l’humanité et puisque, deuxièmement, Dieu est fidèle, on en déduit logiquement que, quoi qu’il arrive, Dieu sauvera au moins un reste du peuple

  Sophonie reprend ce thème à son tour : quand tout le mal aura été extirpé de Jérusalem, Dieu ne laissera subsister que le Petit Reste, ceux qui sont restés fidèles : « Israël, je ne laisserai subsister au milieu de toi qu’un peuple humble et pauvre qui aura pour refuge le nom du SEIGNEUR. Ce Reste d’Israël ne commettra plus l’iniquité... On ne trouvera plus de tromperie dans sa bouche ».

  « Un peuple humble et pauvre, qui aura pour refuge le nom du SEIGNEUR ». Voilà une définition de ces « anavim », ces « humbles », ces courbés : ce sont ceux qui cherchent refuge dans le seul nom du SEIGNEUR (à l’inverse des rois dont je parlais tout à l’heure) ; dans le mot « humble » il y a la racine « humus », terre ; les humbles, ce sont ceux qui savent qu’ils ne sont que poussière, et ils attendent tout de Dieu.

  Ce Reste d’Israël, fait d’hommes fidèles, humbles et pauvres, portera désormais le poids de la mission du peuple élu : révéler au monde le grand projet de Dieu. C’est toujours une poignée de croyants qui est envoyée au monde comme le ferment dans la pâte.

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Note

* N’oublions pas que, dans la Bible, la vengeance de Dieu est toujours uniquement contre le Mal, contre ce qui abîme ses enfants. Parce que Dieu ne prend jamais son parti de l’humiliation de ses enfants.

Complément

Quand il voit les coutumes assyriennes se répandre dans la ville sainte, le prophète Sophonie s’inquiète ; par exemple, quelques versets avant ceux d’aujourd’hui, il dit « J’interviendrai contre les ministres, contre les princes et contre tous ceux qui s’habillent à la mode étrangère » (So 1, 8) ; à première vue, peut-être, on ne voit pas bien où est le mal ; mais c’est raisonner selon nos habitudes modernes, dans lesquelles il y a une très grande diversité et liberté dans le domaine de l’habillement ; mais à l’époque, les codes vestimentaires étaient très importants ; adopter la mode des étrangers, c’était déjà accepter de leur ressembler et donc risquer de perdre son identité ; c’était le signe que, bientôt, l’on suivrait aussi leur façon de vivre, de penser, d’adorer.

PSAUME  145 (146), 7...10

 

7 Le SEIGNEUR fait justice aux opprimés,
       aux affamés il donne le pain,
       le SEIGNEUR délie les enchaînés.
 

8 Le SEIGNEUR ouvre les yeux des aveugles,
       le SEIGNEUR redresse les accablés,           
       le SEIGNEUR aime les justes.
 

9 Le SEIGNEUR protège l'étranger,
       il soutient la veuve et l'orphelin.
10   Le SEIGNEUR est ton Dieu pour toujours.

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Trois versets de psaume en forme d’inventaire : celui des bénéficiaires des largesses de Dieu : opprimés, affamés, enchaînés, aveugles, accablés, étrangers, veuves et orphelins. Bref tous ceux que les hommes ignorent ou méprisent.

         Et les enfants d’Israël savent de quoi ils parlent : toutes ces situations ils les ont connues. Quand le peuple d’Israël chante ce psaume, c’est sa propre histoire qu’il raconte et il rend grâce pour la protection indéfectible de Dieu ; il a connu toutes ces situations : l’oppression en Égypte, dont Dieu l’a délivré « à main forte et à bras étendu » comme ils disent ; et aussi l’oppression à Babylone et, là encore, Dieu est intervenu. Et ce psaume, d’ailleurs, a été écrit après le retour de l’Exil à Babylone, peut-être pour la dédicace du Temple restauré. Le Temple avait été détruit en 587 av. J.-C. par les troupes du roi de Babylone, Nabuchodonosor. Cinquante ans plus tard (en 538 av. J.-C.), quand Cyrus, roi de Perse, a vaincu Babylone à son tour, il a autorisé les juifs, qui étaient esclaves à Babylone, à rentrer en Israël et à reconstruire leur Temple. La Dédicace de ce Temple rebâti a été célébrée dans la joie et dans la ferveur. Le livre d’Esdras raconte : « Les fils d’Israël, les prêtres, les lévites et le reste des déportés firent dans la joie la Dédicace de cette Maison de Dieu » (Esd 6, 16).

         Ce psaume est donc tout imprégné de la joie du retour au pays. Une fois de plus, Dieu vient de prouver sa fidélité à son Alliance : Il a libéré son peuple, il a agi comme son plus proche parent, son vengeur, son racheteur, comme dit la Bible. Quand Israël relit son histoire, il peut témoigner que Dieu l’a accompagné tout au long de sa lutte pour la liberté « Le SEIGNEUR fait justice aux opprimés, le SEIGNEUR délie les enchaînés ». 

         Israël a connu la faim, aussi, dans le désert, pendant l’Exode, et Dieu a envoyé la manne et les cailles pour sa nourriture : « Aux affamés, il donne le pain ». Et, peu à peu, on a découvert ce Dieu qui, systématiquement, prend parti pour la libération des enchaînés et pour la guérison des aveugles, pour le relèvement des petits de toute sorte.

         Ils sont ces aveugles, encore, à qui Dieu ouvre les yeux, à qui Dieu se révèle progressivement, par ses prophètes, depuis des siècles ; ils sont ces accablés que Dieu redresse inlassablement, que Dieu fait tenir debout ; ils sont ce peuple en quête de justice que Dieu guide ; (« Dieu aime les justes »).

         C’est donc un chant de reconnaissance qu’ils chantent ici : « Le SEIGNEUR fait justice aux opprimés / Aux affamés, il donne le pain / Le SEIGNEUR délie les enchaînés./ Le SEIGNEUR ouvre les yeux des aveugles / Le SEIGNEUR redresse les accablés / Le SEIGNEUR aime les justes / Le SEIGNEUR protège l’étranger / il soutient la veuve et l’orphelin. Le SEIGNEUR est ton Dieu pour toujours. » 

         Vous avez remarqué l’insistance sur le nom « SEIGNEUR »  (sept fois dans ces trois versets) : ici, il traduit le fameux NOM de Dieu, le NOM révélé à Moïse au Buisson ardent : les quatre lettres « YHVH » qui disent la  présence permanente, agissante, libératrice de Dieu à chaque instant de la vie de son peuple. »

         Je reprends la dernière ligne d’aujourd’hui : « Le SEIGNEUR est ton Dieu pour toujours ». « Le SEIGNEUR  est ton Dieu », c’est la formule typique de l’Alliance : « Vous serez MON peuple et je serai VOTRE Dieu. » Toujours, quand on rencontre l’expression « mon Dieu », on sait qu’il y a là un rappel de l’Alliance, de toute l’histoire, l’aventure de l’Alliance entre Dieu et son peuple choisi : Alliance à laquelle Dieu n’a jamais failli.

         « Le SEIGNEUR est ton Dieu pour toujours » ; une fois de plus, je remarque que la prière d’Israël est toujours tendue vers l’avenir ; elle n’évoque le passé que pour fortifier son attente, son espérance. Et d’ailleurs quand Dieu avait dit son nom à Moïse, il l’avait dit de deux manières : ce fameux nom, imprononçable en quatre lettres, YHVH que nous retrouvons partout dans la Bible, et en particulier dans ce psaume, que nous traduisons « le SEIGNEUR » ; mais aussi, et d’ailleurs il avait commencé par là, il avait donné une formule plus développée, « Ehiè asher ehiè » qui se traduit en français à la fois par un présent « je suis qui je suis » et par un futur « Je serai qui je serai ».1 Manière de dire sa présence permanente et pour toujours auprès de son peuple.

         Ici, l’insistance sur le futur, « pour toujours » (verset 10) vise aussi à fortifier l’engagement du peuple : il est bien utile de se répéter ce psaume non seulement pour reconnaître la simple vérité de l’œuvre de Dieu en faveur de son Peuple, mais aussi pour se donner une ligne de conduite : car, en définitive, cet inventaire est aussi un programme de vie : si Dieu a agi ainsi envers Israël, celui-ci se sent tenu d’en faire autant pour les autres ; tous ces exclus ne connaîtront l’amour que Dieu leur porte qu’à travers le comportement de ceux qui en sont les premiers témoins.

         Et d’ailleurs, pour être sûr que le peuple se conforme peu à peu à la miséricorde de Dieu, la Loi d’Israël comportait beaucoup de règles de protection des veuves, des orphelins, des étrangers. La Loi n’avait qu’un objectif : faire d’Israël un peuple libre, respectueux de la liberté d’autrui. Parce que Dieu mène inlassablement son peuple, et à travers lui, l’humanité tout entière, sur un long chemin de libération.

         Quant aux prophètes, c’est principalement sur l’attitude par rapport aux pauvres et aux affligés de toute sorte qu’ils jugeaient de la fidélité d’Israël à l’Alliance. Si on fait l’inventaire des paroles des prophètes, on est obligé d’admettre que leurs rappels à l’ordre portent majoritairement sur deux points : une lutte acharnée contre l’idolâtrie, d’une part, et les appels à la justice et au souci des autres, d’autre part. Jusqu’à oser dire de la part de Dieu « C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices, la connaissance de Dieu et non les holocaustes. » (Os 6, 6) ; ou encore : « On t’a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR exige de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité et marcher humblement avec ton Dieu. » (Mi 6, 8).

          Nous lisons dans le livre du Siracide que « les larmes de tous ceux qui souffrent coulent sur les joues de Dieu » (Si 35, 18)... Si nous sommes assez près de Dieu, logiquement, elles devraient couler aussi sur nos joues à nous !... C’est probablement cela, être à son image ?

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Note

1 - En hébreu, grammaticalement parlant, une formule telle que « Je suis QUI je suis » ou « Je serai QUI je serai » est un superlatif.

LECTURE DE LA PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS  1, 26 - 31.

 

26        Frères,
            vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien :
            parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes,
            ni de gens puissants ou de haute naissance.
27        Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde,
            voilà ce que Dieu a choisi,
            pour couvrir de confusion les sages ;
            ce qu’il y a de faible dans le monde,
            voilà ce que Dieu a choisi,
            pour couvrir de confusion ce qui est fort ;
28        ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde,
            ce qui n’est pas,
            voilà ce que Dieu a choisi,
            pour réduire à rien ce qui est ;
 29       ainsi aucun être de chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu.
 30       C’est grâce à Dieu, en effet, que vous êtes dans le Christ Jésus,
            lui qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu,
            justice, sanctification, rédemption.
 31       Ainsi, comme il est écrit :
            « Celui qui veut être fier,

            qu’il mette sa fierté dans le Seigneur ».

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On croirait entendre la parabole du Pharisien et du publicain ; c’est vraiment le monde à l’envers : ceux qui, humainement, sont des « gens bien », comme on dit, des sages aux yeux du monde, ne recueillent aucune considération de la part de Paul. Cela ne veut pas dire que Paul méprise la sagesse ! Depuis le roi Salomon, c’est une vertu que l’on demande dans la prière. Et Isaïe en parle comme d’un don de l’Esprit de Dieu. Quand il annonce le Messie, il dit « Sur lui reposera l’Esprit du SEIGNEUR, esprit de sagesse et de discernement... ».

         Seulement, les hommes de la Bible ont un langage bien particulier sur la sagesse ; ils disent deux choses : Premièrement, ne nous trompons pas de sagesse ; il faut inverser notre regard : la sagesse de Dieu est exactement l’inverse de celle des hommes. Deuxièmement, Dieu seul peut la donner.

          D’abord, premier point, il y a sagesse et sagesse ; Paul emploie le même mot « sophia » pour les deux, mais il distingue bien : il y a la sagesse du monde et la sagesse de Dieu. Ce qui semble raisonnable aux yeux des hommes est bien loin du projet de Dieu et, inversement, ce qui est sage aux yeux de Dieu paraît déraisonnable aux hommes. Si on y réfléchit c’est normal car notre sagesse est une logique de raisonnement ; alors que la sagesse de Dieu est la logique de l’amour ; et on sait bien que l’amour échappe à tout raisonnement et que « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ». La folie de l’amour de Dieu, comme dit saint Paul, est complètement inaccessible à l’étroitesse de nos raisonnements. C’est bien pour cela que la vie et la mort du Christ sont si étonnantes pour nous, si scandaleuses même.

         Une fois de plus, on retrouve Isaïe : « Vos pensées ne sont pas mes pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins », dit Dieu (Is 55, 8) ; et l’abîme qui sépare nos pensées de celles de Dieu est tel que Jésus pourra aller jusqu’à traiter Pierre de Satan quand il se laisse aller à  des considérations trop humaines : « Arrière Satan ! Tes vues ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes ».

         La distance qui nous sépare de Dieu, c’est un thème très fort dans toute la Bible : Dieu est le Tout-Autre : avec lui, on dirait que tout notre système de valeurs est inversé : ce que nous appelons richesse, sagesse, force, n’est rien aux yeux de Dieu.

         La Bible va encore plus loin : non seulement Dieu ne se conforme pas à notre hiérarchie des valeurs, mais on a bien l’impression qu’il fait juste l’inverse ! Bien souvent, dans l’histoire de l’Alliance, Dieu a porté son choix sur les plus petits : pensez à David ; parmi les huit fils de Jessé, Dieu avait choisi le plus jeune, le plus petit, celui qui était sans importance, tellement sans importance qu’on n’avait même pas pensé à le présenter au prophète Samuel.

         Longtemps auparavant, déjà, Moïse précisait bien au peuple (Dt 7, 7) : « Si le SEIGNEUR s’est attaché à vous et s’il vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le moindre de tous les peuples... » et un peu plus loin « Ce n’est pas parce que vous êtes justes ou que vous avez le cœur droit ... » Traduisez : Les choix de Dieu sont libres et sans aucun mérite de la part de l’homme, il ne faudrait jamais l’oublier.

         Deuxième point, la vraie Sagesse qui est celle de Dieu ne peut être que don de Dieu. Dieu est le Tout-Autre et nous ne l’atteignons pas, nous ne le comprenons pas par nous-mêmes. Tout ce que nous pouvons savoir de Lui, dire de Lui, c’est par révélation. Il nous fait connaître son mystère, comme dit Paul dans sa lettre aux Éphésiens.

         Et justement, dans le début de cette même lettre aux Corinthiens, Paul leur avait dit : « Je rends grâce à Dieu sans cesse à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus. Car vous avez été, en lui, comblés de toutes les richesses, toutes celles de la parole et toutes celles de la connaissance. C’est que le témoignage du Christ s’est affermi en vous, si bien qu’il ne vous manque aucun don ... ».

         Vous avez remarqué le mot « don »... Et du coup, évidemment, on voit bien que pour Paul, cette connaissance de Dieu qui nous a été donnée par grâce ne doit pas être une occasion de nous vanter : ce serait justement contraire à la sagesse ! Les dons de Dieu ne sont pas une cause d’orgueil personnel, mais d’action de grâce ! Si les vues de Dieu sont différentes des nôtres, lui seul peut nous les faire pénétrer.

         Jérémie le disait déjà : « Que le sage ne se vante pas de sa sagesse ! Que l’homme fort ne se vante pas de sa force ! Que le riche ne se vante pas de sa richesse ! Si quelqu’un veut se vanter, qu’il se vante de ceci : d’être assez malin pour me connaître, moi, le SEIGNEUR qui mets en œuvre la bonté fidèle, le droit et la justice sur la terre. » (Jr 9, 22-23).

         Le texte d’aujourd’hui apparaît bien comme l’application à la communauté de Corinthe de ces choix surprenants de Dieu. Paul invite les Corinthiens à se regarder avec réalisme : humainement parlant, rien ne les désignait pour recevoir un appel de Dieu... Ils ne sont ni  savants, ni puissants, ni nobles aux yeux du monde, mais un ramassis de tout-venants qui ne seraient rien si la puissance de Dieu n’en faisait pas son Église. Leur titre de noblesse, le seul important aux yeux de Dieu, c’est leur Baptême. Décidément, Dieu crée le monde nouveau de toutes pièces.

         Corinthe, c’est l’illustration vivante de l’initiative inouïe de Dieu qui recrée le monde selon ses propres chemins, bousculant les données habituelles des sociétés humaines. Il n’est plus question de « se glorifier devant Dieu » (comme le faisait le Pharisien de la parabole), mais de rendre Gloire à Dieu pour tant d’amour pour les hommes.

ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU  5, 1-12a

 

                        En ce temps-là,
1       voyant les foules,
          Jésus gravit la montagne.
          Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
2        Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait.
          Il disait :
3        « Heureux les pauvres de cœur,
          car le royaume des Cieux est à eux.
4        Heureux ceux qui pleurent,
          car ils seront consolés.
5        Heureux les doux,
          car ils recevront la terre en héritage.
6        Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice,
          car ils seront rassasiés.
7        Heureux les miséricordieux,
          car ils obtiendront miséricorde.
8        Heureux les cœurs purs,
          car ils verront Dieu.
9        Heureux les artisans de paix,
          car ils seront appelés fils de Dieu.
10      Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice,
          car le royaume des Cieux est à eux.
11      Heureux êtes-vous si l’on vous insulte,
          si l’on vous persécute
          et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous,
          à cause de moi.
12      Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse,
          car votre récompense est grande dans les cieux ! »

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Quelques remarques préalables, avant de lire ce texte :

Souvenons-nous premièrement, que Jésus a passé une grande partie de son temps à consoler, guérir, encourager les hommes et les femmes qu’il rencontrait. Dans l’évangile de dimanche dernier, par exemple, Matthieu écrivait : « Jésus proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple. » Si Jésus a consacré du temps à guérir ses contemporains, cela veut dire que toute souffrance et en particulier la maladie et l’infirmité sont à combattre. Il ne faut donc certainement pas lire « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés » comme si c’était une chance de pleurer ! Ceux qui, aujourd’hui pleurent de douleur ou de chagrin ne peuvent pas considérer cela comme un bonheur ! Les larmes dont il s’agit, ce sont peut-être celles du repentir. Notre Pape Benoît XVI donne en exemple celles de saint Pierre, après son reniement.

On peut penser également à d’autres larmes : Jésus fait peut-être allusion, ici, à une vision d’Ézéchiel : au dernier jour, Dieu enverra son messager « faire une marque sur le front des hommes qui gémissent et se plaignent à cause de toutes les abominations qui se commettent. » (Ez 9, 4).

Deuxième remarque : ce discours de Jésus s’adresse à des Juifs : tout ce qu’il leur dit ici, ils le savent déjà, c’est la prédication habituelle des prophètes ; ils le comprennent donc sans difficulté. Pour nous, par conséquent, si nous voulons comprendre, il faut aller relire l’Ancien Testament.

          La prédication majeure des prophètes, c’était ce que nous dit le prophète Sophonie dans la première lecture de ce dimanche : « Cherchez le SEIGNEUR, vous tous, les humbles du pays. » Et le psaume de dimanche dernier chantait : « J’ai demandé une chose au SEIGNEUR, la seule que je cherche, c’est d’habiter la maison du SEIGNEUR tous les jours de ma vie. » Ce sont ceux-là les « pauvres de cœur » dont parle la première Béatitude ; ceux qui peuvent chanter de tout leur cœur le psaume de ce dimanche : « Heureux qui a pour aide le Dieu de Jacob, et pour espoir le SEIGNEUR son Dieu » (Ps 145/146, 5) ; ceux qui chantent comme nous à la messe « Kyrie eleison », SEIGNEUR prends pitié ; tout comme le publicain de la parabole : vous vous rappelez cette histoire du pharisien et du publicain qui s’étaient rendus au même moment au Temple pour prier. Le Pharisien, pourtant extrêmement vertueux, ne pouvait plus accueillir le salut de Dieu parce que son cœur était plein de lui-même et sa prière consistait finalement à se contempler lui-même ; le publicain, au contraire, se savait pécheur, mais il se tournait vers Dieu et attendait de lui son salut, il était comblé.

Tous ceux qui ressemblent au publicain de la parabole sont assurés que leur recherche sera exaucée parce que Dieu ne se dérobe pas à celui qui cherche : « Qui cherche trouve, à qui frappe, on ouvrira », dira Jésus un peu plus loin dans ce même discours sur la montagne. Ceux qui cherchent Dieu de tout leur cœur, ce sont ceux-là que les prophètes appellent également les « purs » au sens d’un cœur sans mélange, qui ne cherche que Dieu.

Alors, effectivement, ces Béatitudes sont des bonnes nouvelles ; Matthieu disait « Il proclamait la bonne nouvelle du Royaume ». La bonne nouvelle c’est que le regard de Dieu n’est pas celui des hommes (cela encore c’est une prédication habituelle des prophètes). Les hommes recherchent le bonheur dans l’avoir, le pouvoir, le savoir. Ceux qui cherchent Dieu savent que ce n’est pas de ce côté-là qu’il faut chercher. Il se révèle aux doux, aux miséricordieux, aux pacifiques. « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups » disait Jésus à ses disciples.

Je pense donc qu’une des manières de lire ces Béatitudes, serait de les envisager comme les multiples chemins du Royaume : c’est pour cela que chaque phrase commence par le mot « Heureux » : ce mot, très fréquent dans l’Ancien Testament, sonne toujours comme un compliment, le plus beau  compliment dont nous puissions rêver, en fin de compte. André Chouraqui le traduisait « En marche » : sous-entendu, « tu es bien parti. Le Royaume peut s’approcher de toi. » On retrouve ici le thème des « deux voies » si familier à l’Ancien Testament.

Chacun de nous accueille le Royaume et contribue à sa construction avec ses petits moyens ; Jésus regarde la foule, il pose sur tous ces gens le regard de Dieu. Regardez, dit-il à ses disciples : il y a ici des pauvres... des doux... des affligés... des affamés et assoiffés de justice... des compatissants... des cœurs purs... des artisans de paix... des persécutés. Toutes situations qui ne correspondent guère à l’idée que le monde se fait du bonheur. Mais ceux qui les vivent, dit Jésus, sont les mieux placés pour accueillir et construire le Royaume. L’horizon de l’existence humaine c’est la venue du Royaume de Dieu : tous nos chemins d’humilité y mènent. Paul nous propose exactement la même méditation dans la deuxième lecture de ce dimanche : « Celui qui veut s’enorgueillir, qu’il mette son orgueil dans le Seigneur. » (1 Co 1, 31).

De cette manière, Jésus nous apprend à poser sur les autres et sur nous-mêmes un autre regard. Il nous fait regarder toutes choses avec les yeux de Dieu lui-même et il nous apprend à nous émerveiller : il nous dit la présence du Royaume là ou nous ne l’attendions pas : la pauvreté du cœur, la douceur, les larmes, la faim et la soif de justice, la persécution... Cette découverte humainement si paradoxale doit nous conduire à une immense action de grâces : notre faiblesse devient la matière première du Règne de Dieu.

C’est cela l’imitation de Jésus-Christ » : il est le pauvre par excellence, le doux et humble de cœur ; au fond, si on y regarde bien, cet évangile dessine un portrait, celui de Jésus lui-même : nous l’avons vu doux et miséricordieux, compatissant à la misère et pardonnant à ses bourreaux ; pleurant sur la souffrance des uns, sur la dureté de cœur des autres ; affamé et assoiffé de justice et acceptant la persécution ; et surtout, en toutes circonstances, pauvre de cœur, c’est-à-dire attendant tout de son Père et lui rendant grâce de « révéler ces choses aux humbles et aux petits ».

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Complément

« Heureux les pauvres de cœur » : rappelons-nous, Moïse a rencontré Dieu dans le buisson ardent dans la phase la moins brillante de sa carrière, si j’ose dire : il était en fuite dans le désert du Sinaï pour sauver sa vie. Élie, le grand prophète Élie, n’a rencontré le Dieu de la brise légère, lui aussi, qu’au moment où il était menacé de mort, également dans le désert du Sinaï. Or Matthieu nous suggère peut-être ces rapprochements en parlant de la montagne des Béatitudes : ce qui est évidemment un bien grand mot pour qui connaît les modestes collines de Galilée.

N.-B. Dans l’évangile de Matthieu les Béatitudes dessinent seulement la bonne voie ; chez Luc (6, 24-26), on peut lire également l’autre voie, celle des malheureux qui se sont trompés de route.

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15 janvier 2017 7 15 /01 /janvier /2017 00:00

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE  49, 3...6

Par rapport à mes émissions précédentes, j’ai changé complètement mon commentaire, pour plus de clarté j’espère.

 

3          Le SEIGNEUR m’a dit :
            « Tu es mon serviteur, Israël,
            en toi je manifesterai ma splendeur. »
5          Maintenant le SEIGNEUR parle,
            lui qui m’a façonné dès le sein de ma mère
            pour que je sois son serviteur,
            que je lui ramène Jacob,
            que je lui rassemble Israël.
            Oui, j’ai de la valeur aux yeux du SEIGNEUR,
            c’est mon Dieu qui est ma force.
6          Et il dit :
            « C’est trop peu que tu sois mon serviteur
            pour relever les tribus de Jacob,
            ramener les rescapés d’Israël :
            je fais de toi la lumière des nations,
            pour que mon salut parvienne
            jusqu’aux extrémités de la terre. »

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          Ce passage fait partie d’un ensemble de quatre textes dans le livre du prophète Isaïe, quatre textes très particuliers que l’on appelle « Les Chants du Serviteur ». Ce sont des prédications qui datent de la période très noire de l’Exil à Babylone, au sixième siècle, des prédications adressées donc à un peuple en grande détresse qui se demande parfois si Dieu ne l’a pas oublié. Or le prophète, ici, vient dire à ses contemporains en exil « vous êtes encore le serviteur de Dieu ». Ce qui veut dire que l’Alliance n’est pas rompue, bien au contraire. Non seulement Dieu n’a pas abandonné son peuple, mais il compte encore sur lui pour une mission bien précise.

          Car si, parfois, on a pu se demander qui est ce « Serviteur de Dieu » désigné par Isaïe dans les chants du serviteur, dans ce texte-ci, c’est très clair : il ne s’agit pas d’un individu particulier, il s’agit du peuple d’Israël lui-même. Je vous rappelle la première phrase du texte : « Le SEIGNEUR m’a dit : Tu es mon serviteur, Israël ». Et sa vocation est elle aussi clairement définie : « En toi je manifesterai ma splendeur ».

          Or, la splendeur de Dieu (son titre de Gloire, si vous préférez), c’est son œuvre de salut ; très concrètement, ici, il s’agit du retour de l’Exil à Babylone. Indirectement donc, Isaïe ici annonce la fin prochaine de l’Exil. Effectivement, lorsque le peuple sera sauvé, libéré, il sera la preuve vivante que Dieu est sauveur ! C’est de cette manière que des sauvés peuvent devenir des sauveurs ; non pas par eux-mêmes seulement, car Dieu seul est sauveur, mais par le fait même d’être sauvé et d’en être les témoins à la face du monde !

          Car, dans la mentalité de l’époque, la déchéance du peuple vaincu, déporté pouvait passer pour un échec de son Dieu, mais sa libération manifestera aux yeux du monde païen la supériorité de Dieu.

          Le titre de serviteur décerné au peuple d’Israël en exil signifie donc deux choses : il est d’abord une assurance du soutien de Dieu, mais il est en même temps une lettre de mission. Israël doit continuer à croire au salut et à en témoigner à la face du monde ; car en reconnaissant à travers lui l’œuvre de Dieu, les autres reconnaîtront que Dieu est sauveur, et, à leur tour, l’accueilleront comme leur sauveur. Ainsi Dieu sera enfin connu et reconnu par tous ceux qui l’auront vu à l’œuvre pour sauver son peuple. C’est en ce sens-là qu’Israël aura manifesté la présence de Dieu. C’est le sens de l’expression : «  Tu es mon serviteur, Israël, en toi je manifesterai ma splendeur ».

 

          Alors on comprend la dernière phrase de notre texte : « Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre ». Une fois de plus, la Bible nous dit que le projet de Dieu est un projet de salut, de bonheur, et qu’il concerne l’humanité tout entière « jusqu’aux extrémités de la terre ».

          Jusque-là, on pensait que l’œuvre de salut de Dieu passait par un individu, qu’on appelait le Messie. Et on l’imaginait comme un roi. Ici, l’attente du Messie évolue considérablement : d’une part, le Messie n’est plus un individu particulier, c’est un personnage collectif : c’est le peuple d’Israël qui est investi d’une mission au service du monde. Et d’autre part, il n’exerce plus un pouvoir royal, il se présente comme un serviteur.

          Reste une question difficile. Au début du texte, c’est le SEIGNEUR qui parle et s’adresse au Serviteur. Mais, ensuite, le Serviteur lui-même prend la parole : « Le SEIGNEUR m’a formé dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob et que je lui rassemble Israël ». Si le Serviteur est Israël, comment peut-on dire qu’il rassemblera Israël ?

          En fait, Isaïe s’adresse à ses proches, le petit noyau des fidèles, ceux qu’on appelait le « Reste », ceux dont la foi n’a pas chancelé, malgré les années d’exil et de captivité. Ce petit « Reste » d’Israël a pour première tâche de rassembler tout Israël et de le ramener à son Dieu, c’est-à-dire de le convertir.

          Mais ce n’est que la première étape de leur mission : « C'est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob », dit Isaïe qui ajoute : « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre. » Car c’est précisément cette œuvre inespérée de relèvement du peuple par quelques-uns qui sera aux yeux du monde entier un témoignage rendu au Dieu d’Israël. Pour le dire autrement, le rétablissement du peuple s’inscrit dans le projet de Dieu comme le prélude au salut de toute l’humanité.

          Toutes ces belles nouvelles devaient paraître un peu irréalistes à certains ; c’est pour cela que le prophète affirme avec insistance qu’il n’a rien inventé : il n’est que le porte-parole de Dieu. Par deux fois, il précise : « Le SEIGNEUR m’a dit… Maintenant, le SEIGNEUR parle ». Et, d’autre part, il souffle à ses contemporains des paroles d’espérance : « J’ai de la valeur aux yeux du SEIGNEUR, c’est mon Dieu qui est ma force. » Ce n’est pas de l’orgueil ou de la prétention, au contraire c’est de l’humilité : la reconnaissance qu’au creux même de sa désespérance, le Serviteur n’a qu’une ressource, le soutien de Dieu lui-même.

PSAUME  39 (40)

 

2           D'un grand espoir, j'espérais le SEIGNEUR,            
             Il s'est penché vers moi
4           Dans ma bouche il a mis un chant nouveau   
             une louange à notre Dieu.
 

7           Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice 
             tu as ouvert mes oreilles ;       
             tu ne demandais ni holocauste ni victime
8           alors j'ai dit : « Voici, je viens. »
 

             Dans le livre est écrit pour moi
9           ce que tu veux que je fasse.    
             Mon Dieu, voilà ce que j'aime :          
             ta loi me tient aux entrailles.
 

10         Vois, je ne retiens pas mes lèvres,      
             SEIGNEUR, tu le sais.
11         J'ai dit ton amour et ta vérité  
             à la grande assemblée.

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 « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu ne demandais ni holocauste ni victime... » : curieuse phrase dans un psaume quand on sait que les psaumes, justement, étaient faits pour être chantés au Temple de Jérusalem au moment même où on offrait des sacrifices !1 En fait on voulait dire par là : je sais, Seigneur, que ce qui compte le plus à tes yeux, ce n’est pas le sacrifice en lui-même, c’est l’attitude du cœur qu’il représente. « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime alors j’ai dit : Voici, je viens. »

Toute la Bible est l’histoire d’un long apprentissage et, avec ce psaume 39/40, nous sommes à la phase finale de ce qu’on peut appeler la pédagogie des prophètes. Je reprends rapidement cette histoire des sacrifices en Israël : elle se développe en même temps que se développe la connaissance de Dieu. C’est logique : « sacrifier », (« sacrum facere » en latin) signifie « faire du sacré », entrer en contact ou mieux en communion avec Dieu. Tout dépend évidemment de l’idée qu’on se fait de Dieu. Donc au fur et à mesure qu’on découvre le vrai visage de Dieu, la pratique sacrificielle va changer.

         Je commence par le début : Première chose à retenir : ce n’est pas Israël qui a inventé la démarche du Sacrifice ou de l’offrande : (il y en a chez les autres peuples du Moyen Orient bien avant que le peuple hébreu ne mérite le nom de peuple).

         Deuxième constatation lorsqu’on s’intéresse à la pratique sacrificielle d’Israël : il y a toujours eu des offrandes et des sacrifices en Israël tout au long de l’histoire biblique. Il y a une très grande variété de sacrifices mais tous sont un moyen de communiquer avec Dieu.

         Troisième point : les sacrifices pratiqués par le peuple élu ressemblent à ceux de leurs voisins... oui, mais à une exception près et une exception qui est colossale : la spécificité des sacrifices en Israël, c’est que les sacrifices humains sont strictement interdits. C’est une constante dans la Bible : les sacrifices humains sont de tout temps considérés comme une horreur ; Jérémie, par exemple, dit de la part de Dieu : « Cela je ne l’ai jamais demandé et je n’ai jamais eu l’idée de faire commettre une telle horreur... » (Jr 7, 31 ; 19, 6 ; 32, 35). Et dans le fameux récit du sacrifice d’Abraham, celui-ci a découvert que « sacrifier » (« faire sacré ») ne veut pas dire « tuer » ! Abraham a offert son fils, il ne l’a pas tué. Cet épisode que les juifs appellent « la ligature d’Isaac » est lu justement comme la preuve que, depuis le début de l’Alliance entre Dieu et ce peuple qu’il s’est choisi, les sacrifices humains sont strictement interdits.

         Si on y réfléchit, c’est tout ce qu’il y a de plus logique ! Dieu est le Dieu de la vie : impensable que pour nous rapprocher de Lui, il faille donner la mort ! Cette interdiction des sacrifices humains sera la première insistance de la religion de l’Alliance. On continuera à pratiquer seulement des sacrifices d’animaux. Mais peu à peu, on va assister au long des siècles à une véritable transformation, on pourrait dire une conversion du sacrifice. Cette conversion va porter sur deux points : sur le sens des sacrifices d’abord, sur la matière des sacrifices ensuite

         - 1) sur le sens des sacrifices : dans la Bible, au fur et à mesure que l’on découvre Dieu, les sacrifices vont évoluer. En fait, on pourrait dire : « Dis-moi tes sacrifices, je te dirai quel est ton Dieu ». Notre Dieu est-il un Dieu qu’il faut apprivoiser ? Dont il faut obtenir les bonnes grâces ? Auprès duquel il faut acquérir des mérites ? Un Dieu courroucé qu’il faut apaiser ? Un Dieu qui exige des morts ? Alors nos sacrifices seront faits dans cet esprit là, ce seront des rites magiques pour acheter Dieu en quelque sorte.

         Ou bien notre Dieu est-il un Dieu qui nous aime le premier... un Dieu dont le dessein n’est que bienveillant... dont la grâce est acquise d’avance, parce qu’il n’est que Grâce... le Dieu de l’Amour et de la Vie. Et alors nos sacrifices seront tout autres. Ils seront des gestes d’amour et de reconnaissance. Les rites ne seront plus des gestes magiques mais des signes de l’Alliance conclue avec Dieu.

         Toute la Bible est l’histoire de ce lent apprentissage pour passer de la première image de Dieu à la seconde. C’est nous qui avons besoin d’être apprivoisés, qui avons besoin de découvrir que tout est « cadeau », qui avons besoin d’apprendre à dire simplement « Merci » (Ce que la Bible appelle le « sacrifice des lèvres »). Toute la pédagogie biblique vise à nous faire quitter la logique du « donnant-donnant », du calcul, des mérites, pour entrer dans la logique de la grâce, du don gratuit. Et notre apprentissage n’est jamais fini.

         - 2) la conversion va également porter sur la matière des sacrifices : les prophètes ont joué un grand rôle dans ce lent apprentissage du peuple élu. Ils lui ont fait découvrir peu à peu le véritable sacrifice que Dieu attend : tout se passe comme si les prophètes nous disaient : « Tu veux entrer en relation avec Dieu...? Fort bien ! ... à condition de ne pas te tromper de Dieu ! »

         C’est peut-être une phrase du prophète Osée (au huitième siècle) qui résume le plus parfaitement cette prédication des prophètes : « C’est l’amour que je veux et non les sacrifices. » (Os 6, 6). On découvre peu à peu que le véritable « sacrifice », « faire sacré » consiste non plus à tuer mais à faire vivre. Dieu est le Dieu des vivants : donner la mort ne peut pas être la meilleure façon de nous rapprocher de Lui !  Faire vivre nos frères, voilà la seule manière de nous rapprocher de Lui.

         Et l’ultime étape de cette pédagogie des prophètes nous présentera l’idéal du sacrifice : c’est le service de nos frères. Nous trouvons cela dans les quatre « Chants du Serviteur » qui sont inclus dans le deuxième livre d’Isaïe. L’idéal du Serviteur qui est l’idéal du sacrifice, c’est « une vie donnée pour faire vivre ». Le psaume 39/40 résume donc admirablement la découverte biblique sur le Sacrifice : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice ... Tu as ouvert mes oreilles »  : depuis l’aube de l’humanité, Dieu « ouvre l’oreille » de l’homme pour entamer avec lui le dialogue de l’amour ; le psaume 39/40 reflète le long apprentissage du peuple élu pour entrer dans ce dialogue : dans l’Alliance du Sinaï, les sacrifices d’animaux symbolisaient la volonté du peuple d’appartenir à Dieu ; dans l’Alliance Nouvelle, l’appartenance est totale : le dialogue est réalisé ; offrandes et sacrifices sont « spirituels » comme dira saint Paul ; « Tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit voici, je viens ».

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Note - Des sacrifices d’animaux ont été célébrés à Jérusalem jusqu’à la destruction définitive du Temple, en 70 après J.-C.

LECTURE DE LA PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS  1, 1 – 3

 

1          Paul, appelé par la volonté de Dieu
            pour être apôtre du Christ Jésus,
            et Sosthène notre frère,
2          à l’Église de Dieu qui est à Corinthe,
            à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus
            et sont appelés à être saints
            avec tous ceux qui, en tout lieu,
            invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ,
            leur Seigneur et le nôtre.
3          À vous, la grâce et la paix,
            de la part de Dieu notre Père
            et du Seigneur Jésus Christ.

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               Voilà un texte magnifique pour dire notre dignité de baptisés ! Il est heureux qu’il ait été choisi pour ce dimanche qui marque notre retour au temps qu’on appelle « ordinaire » dans la liturgie. Cela nous donne l’occasion de retrouver le sens de ce mot : « ordinaire » en liturgie ne veut pas dire « sans importance », cela veut dire tout simplement « dans l’ordre de l’année ». Car évidemment, ce que nous célébrons chaque dimanche n’a rien d’ordinaire au sens courant de ce mot ! Saint Paul vient ici à point nommé nous dire la grandeur de notre titre de Chrétiens.

               Pour reprendre les termes de Paul, nous sommes ceux qui, en tout lieu, invoquons « le nom de notre Seigneur Jésus Christ ». « Invoquer le nom », cela veut dire « reconnaître comme Dieu ». Mais d’ailleurs, quand Paul emploie pour Jésus le mot « Seigneur », cela veut dire la même chose, car, à l’époque, le mot « Seigneur » ne s’appliquait qu’à Dieu.

               Le point commun de tous les chrétiens, c'est que Jésus-Christ est vraiment pour nous le Seigneur, c’est-à-dire le maître de nos vies, le centre du monde et de l'histoire. C’est pour cela, d’ailleurs, que Paul nous appelle « le peuple saint ». Saint ne veut pas dire « parfait », cela veut dire « qui appartient à Dieu » : nous appartenons à Dieu, par le Baptême, nous avons été consacrés à Dieu : c’est pour cela que l’assemblée mérite elle aussi d’être encensée au cours de la messe.

               À l'inverse, je crois que si Jésus-Christ n'est pas vraiment pour nous le Seigneur, s’il n’est pas pour nous, dans nos conversations et nos agissements, le centre du monde et de l'histoire, il faut nous interroger sur le contenu de notre foi. Vous avez remarqué, d'ailleurs, que, dans ces quelques lignes, Paul cite plusieurs fois le nom du Christ : « Moi, Paul, appelé par la volonté de Dieu, pour être Apôtre du Christ Jésus... je m'adresse à vous qui avez été sanctifiés dans le Christ Jésus ... vous qui êtes le peuple saint, avec ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ... que la grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ le Seigneur ».

               Autre point commun à tous les Chrétiens du monde, de quelque race, nationalité ou confession : nous sommes des « appelés » ! Je cite : « Appelé par la volonté de Dieu, je m’adresse à vous qui êtes, à Corinthe, l’Église de Dieu ». Paul est « apôtre du Christ Jésus », non par choix personnel mais parce qu’il a été appelé à cette mission par une volonté explicite de Dieu. On sait à quel point c’est vrai ! Paul n’a pas choisi cette mission d’apôtre du Christ, c’est Jésus lui-même qui l’a choisi sur le chemin de Damas. L’autorité de Paul lui vient de là : il a été appelé, il est en service commandé.

               Et il s’adresse à « L’Église qui est à Corinthe ». Le mot « Église » à lui tout seul est aussi une référence à l’appel de Dieu : en grec, le mot « ecclesia » est de la même famille que le verbe « appeler » (Kaleo). Et comme si le mot « ecclesia » n’était pas assez clair, Paul précise « vous les fidèles qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint ». L’expression « L’Église de Dieu qui est à Corinthe » (par exemple), ou à Jérusalem ou à Paris, est devenue traditionnelle. Où que nous soyons, nous sommes les « appelés » de Dieu. Nous aussi, nous sommes en service commandé ! Nous sommes appelés à être des « serviteurs » au sens que le prophète Isaïe donne à ce mot dans la première lecture de ce dimanche « pour que le salut de Dieu parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 6).

               En même temps, Paul rappelle bien le lien qui unit la communauté de Corinthe aux autres communautés chrétiennes : « Je m’adresse à vous qui êtes, à Corinthe, l’Église de Dieu... vous qui êtes le peuple saint avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, leur Seigneur et le nôtre ». Il est intéressant de noter que Paul emploie le mot Église tout aussi bien pour désigner une communauté locale que l’Église dans son ensemble. Chaque communauté particulière est, par appel de Dieu, pleinement témoin de l’amour universel du Père : une Église locale ne se réduit donc pas à sa réalité géographique ou sociologique, elle a toujours vocation à l’universel. Voilà qui devrait élargir nos prières dites « universelles ».

               L’étendue de la mission ne doit pas nous décourager pour autant : ce qui nous est demandé est à notre portée. Le Seigneur ne nous demande pas des gestes extraordinaires : il nous suffit d’être tout simplement disponibles à la volonté du Père. Vous vous rappelez les termes du psaume de ce dimanche : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j'ai dit : « Voici, je viens. » Nous pouvons donc faire sereinement au jour le jour notre petit possible et avoir le cœur en paix. C’est ce que nous souhaite Paul : « Que la grâce et la paix soient avec vous ». C’est vraiment le plus beau souhait que l’on puisse s’adresser les uns aux autres en cette période de vœux de début d’année !

               Je remarque, au passage, qu’à plusieurs reprises, la liturgie eucharistique fait écho à cette phrase de Paul, en gestes et en paroles. Le plus marquant est évidemment le geste de paix, avec la parole qui l’accompagne : nous reprenons la phrase de Paul chaque fois que nous transmettons à notre voisin « la paix du Christ ». Et chaque fois que le prêtre nous dit « Le Seigneur soit avec vous », c’est bien dans la grâce et la paix du Christ qu’il nous invite à nous laisser immerger.

               En ce début de semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens, ce texte de Paul est particulièrement bien venu ! Il nous rappelle tout ce qui unit entre eux les Chrétiens du monde entier, à quelque confession qu’ils appartiennent.

               Car le peuple chrétien, dans la variété de toutes ses sensibilités, est appelé à être dans le monde le germe de l'humanité nouvelle, celle qui sera un jour réunie dans la grâce et la paix autour de Jésus-Christ : quand viendra le dernier jour, l'humanité tout entière, ressuscitée, se lèvera « comme un seul homme », comme on dit, et cet homme aura pour nom « Jésus-Christ ».

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Compléments

Corinthe était la ville de toutes les richesses et de toutes les pauvretés : elle était le lieu de passage obligé entre deux grands ports, l'un sur la mer Adriatique, l'autre sur la mer Égée ; le canal de Corinthe, que nous connaissons aujourd'hui, n'était pas encore creusé mais une route dallée reliait les deux ports et on faisait transiter les bateaux d'un port à l'autre en les halant sur des rouleaux. Ce passage était très fréquenté parce qu'il évitait aux bateaux de faire le grand détour.

Cette situation privilégiée faisait de Corinthe une ville de passage, donc de mélanges de toute sorte ; mélanges de races, d'idées, de religions : car l'Orient et l'Occident s'y rencontraient ; on y trouvait de tout et tout y était possible dans tous les domaines ; l'expression "vivre à la Corinthienne" était passée dans le vocabulaire et ce n'était pas un compliment : elle signifiait luxe et débauche. La ville était marquée aussi par les contrastes sociaux : financiers et commerçants y réglaient leurs affaires pendant que s'affairaient les dockers et les esclaves. La richesse d'une minorité s'étalait devant la misère des autres. La parabole du riche et du pauvre Lazare pouvait résonner particulièrement bien à Corinthe.

Paul connaissait bien cette ville, il y a passé environ 18 mois, dans les années 50 : par sa prédication, il a peu à peu rassemblé une communauté chrétienne qui reproduisait les contrastes de la population de Corinthe. Au fur et à mesure de nos lectures dans les dimanches qui viennent, nous la découvrirons mieux.

Ce n'est peut-être pas la première fois que saint Paul écrit aux Corinthiens : on croit savoir qu'il a déjà pris une fois la plume quand il a su qu'il y avait des difficultés dans la communauté de Corinthe. Cette fois-ci, il écrit pour répondre à des questions précises qui lui ont été posées ; nous sommes en 55 ou 56.

En tout cas, cette lettre dont nous inaugurons la lecture ce dimanche est la « première lettre aux Corinthiens qui nous soit restée de Paul.

ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN  1, 29 - 34

 

            En ce temps-là,
29        voyant Jésus venir vers lui,
            Jean le Baptiste déclara :
            « Voici l’Agneau de Dieu,
            qui enlève le péché du monde ;
30        c’est de lui que j’ai dit :
            L’homme qui vient derrière moi
            est passé devant moi,
            car avant moi il était.
31        Et moi, je ne le connaissais pas ;
            mais, si je suis venu baptiser dans l’eau,
            c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. »
32        Alors Jean rendit ce témoignage :
            « J’ai vu l’Esprit
            descendre du ciel comme une colombe
            et il demeura sur lui.
33        Et moi, je ne le connaissais pas,
            mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit :
            ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer,
            celui-là baptise dans l’Esprit Saint.’
34        Moi, j’ai vu, et je rends témoignage :
            c’est lui le Fils de Dieu. »

 

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

                 

                   La dernière formule est très solennelle : « Oui, j'ai vu et je rends ce témoignage : c'est lui le Fils de Dieu. » À l’époque de Jean-Baptiste, il ne s’agissait pas encore de l’affirmation théologique au sens où nous disons aujourd’hui que Jésus est le Fils de Dieu, ou au sens de saint Jean dans son Prologue, quand il dit « le Fils Unique, plein de grâce et de vérité » ; pour Jean-Baptiste, l’expression « Fils de Dieu » était synonyme de Messie ; l’appliquer à Jésus était donc une manière de dire que celui-ci était bien le Messie qu’on attendait, celui qui devait apporter le bonheur parfait sur la terre. Jean-Baptiste ne pouvait pas encore tout percevoir du mystère de Jésus, (la suite a prouvé qu’il s’est posé bien des questions), mais appliquer ce titre de Messie à son cousin, le fils de Marie, c’était déjà considérable !

                   Pourquoi ce titre de « Messie » et de fils de Dieu étaient-ils équivalents ? Parce que chaque roi, lorsqu’il prenait possession du trône de Jérusalem, recevait ces deux titres. Le rite de l’onction d’huile faisait de lui un consacré, un « messie » (le mot veut dire « frotté d’huile », tout simplement) et d’autre part, il recevait le titre de fils de Dieu, du seul fait qu’il était le roi et que, désormais, il pouvait être assuré que Dieu l’inspirait et le soutenait à tout instant.

                   Voilà donc Jésus désigné par Jean-Baptiste comme le Messie qu’on attendait déjà depuis quelques siècles. Évidemment, on se demande ce qui permet à Jean-Baptiste d’affirmer avec assurance que Jésus est bien le Messie d’Israël : c’est qu’il a vu de ses yeux l’Esprit Saint demeurer sur lui. Et, là encore, la formule est très solennelle : « J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit : L'homme sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint. » Le mot « demeurer » ici est important : chaque roi, le jour de son sacre, recevait l’onction d’huile, signe de l’Esprit qui l’accompagnait dans toute sa mission. De David, par exemple, on disait que l’Esprit de Dieu avait fondu sur lui à ce moment-là ; seulement voilà, les uns après les autres, les rois d’Israël avaient fait la preuve qu’ils pouvaient fort bien ne pas suivre les inspirations de l’Esprit. De Jésus au contraire, Jean-Baptiste nous dit qu’il est celui sur qui l’Esprit demeure, manière de nous dire que toute son action sera aussi celle de l’Esprit.

                   Le Messie, on le savait donc, serait habité, guidé en permanence par l’Esprit de Dieu et c’est lui qui devait apporter l’Esprit Saint à toute l’humanité. Le prophète Joël avait annoncé de la part de Dieu : « En ces jours-là, je répandrai mon Esprit sur toute chair » (Jl 3, 1). Donc, quand Jean-Baptiste dit « Jésus est le fils de Dieu » ou « j’ai vu l’Esprit descendre et demeurer sur lui », ce sont deux manières absolument équivalentes de dire : le Messie est enfin parmi nous.

                   Ce mystère de Jésus, Jean-Baptiste le décrit encore d’une troisième manière, mais cette fois, totalement inattendue, ou presque : il dit « Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». La majorité du peuple d’Israël attendait un Messie-roi : il régnerait à Jérusalem (ce qui supposait que les Romains ne seraient plus les maîtres), le pays serait libéré de la tutelle étrangère (l’occupation romaine), on connaîtrait enfin la sécurité, la paix, le bonheur. Mais un Messie-agneau, bien peu de gens en parlaient ! Il semble donc que Jean-Baptiste a bien deviné que Jésus serait bien le Messie qu’on attendait, mais pas du tout comme on l’attendait !

                   L’agneau, cela fait penser d’abord à l’agneau pascal : le rite de la Pâque chaque année, rappelait au peuple que Dieu l’avait libéré ; la nuit de la libération d’Égypte, Moïse avait fait pratiquer par le peuple le rite traditionnel, mais il avait insisté « désormais, chaque année, ce rite vous rappellera que Dieu est passé parmi vous pour vous libérer. Le sang de l’agneau signe votre libération ».

                   L’Agneau, cela fait penser aussi au Serviteur de Dieu dont parle le deuxième livre d’Isaïe (53) : il était comparé à un agneau innocent qui portait les péchés de la multitude.

                   Enfin « l’Agneau de Dieu » signifie l’Agneau donné par Dieu : là, nous sommes renvoyés à l’offrande d’Abraham : quand Isaac avait posé à son père la question « mais où est donc l’agneau pour l’holocauste ? » Abraham avait répondu : « C’est Dieu qui pourvoira à l’agneau pour l’holocauste, mon fils ».

                   Quand Jean-Baptiste dit que Jésus est l’agneau de Dieu, il le présente donc comme le libérateur de l’humanité (c’est l’agneau pascal) ; cet agneau est envoyé par Dieu, choisi par Dieu comme dans le récit d’Abraham ; mais en faisant référence au serviteur d’Isaïe, il laisse entendre que cette œuvre de libération de l’humanité sera accomplie par un innocent qui donne sa vie pour sauver ses frères.1

                   Il reste que le péché n’a pas encore disparu, que je sache ! Jean Baptiste en voyant venir Jésus le désigne comme celui « qui enlève le péché du monde ». Or depuis cette proclamation, rien apparemment n’a changé dans le monde ; les péchés de toute sorte y ont proliféré et le spectacle de notre temps ne nous fait pas espérer que les choses puissent s’arranger ! On ne peut pourtant pas mettre en doute la parole du Baptiste. Alors, que veut-il dire ? Sûrement pas la disparition pure et simple du péché sous toutes  ses formes, comme par un coup de baguette magique ; sinon où serait notre liberté ?

                   En quoi pouvons-nous dire que Jésus est réellement le Messie, le libérateur de l’humanité ? La vérité, c’est que le péché n’est plus une fatalité : le Christ nous apporte la possibilité de nous libérer de son engrenage. Si nous restons greffés résolument sur lui dans toutes les circonstances de notre vie, si nous nous laissons en permanence guider par l’Esprit Saint dans lequel nous sommes plongés depuis notre Baptême, nous pouvons découvrir en nous cette liberté nouvelle. Nous pouvons vivre comme lui l’amour, la gratuité, le pardon.

                   Par ailleurs, la référence au serviteur d’Isaïe nous donne la clé du mystère : Isaïe avait deviné que l’œuvre du salut de l’humanité ne serait pas l’œuvre d’un homme solitaire mais d’un peuple ; les Chrétiens du monde entier forment ce peuple que saint Paul appelle le « Corps du Christ » qui grandit d’heure en heure si nous laissons l’Esprit de Dieu agir en nous.

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Note

1 – Le livre de l’Apocalypse reprend cette image de l’Agneau immolé, vainqueur du mal : cf. Ap 5, 6. 12.

Compléments

- L’Esprit, c’est l’Esprit d’amour : désormais, en Jésus, l’humanité est délivrée du soupçon et de la haine : Jésus inaugure donc l’humanité nouvelle. Depuis le Jardin d’Éden, Dieu propose à l’homme d’entrer avec lui dans un dialogue d’amour : Adam refuse, soupçonne, conteste. Jésus-Christ au contraire est tourné vers le Père dans l’attitude du dialogue parfait, sans ombre ; comme dit saint Jean dans le Prologue, il est « tourné vers Dieu » (pros ton theon). Il est le OUI de l’humanité à Dieu. Jésus est donc bien celui en qui s’accomplit le dessein de Dieu : en lui, homme, toute l’humanité entre dans la communion trinitaire. 

- Désormais Jean-Baptiste peut s’effacer : comme Syméon, lors de la présentation de Jésus au Temple avait dit « désormais tu peux laisser ton serviteur s’en aller dans la paix, car mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples »... Jean-Baptiste dit quelque chose d’analogue : « Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi » ; Jean-Baptiste était venu préparer la venue du Messie, maintenant, il lui laisse la place.

- Lien avec le Psaume : Jean-Baptiste nous montre ici le véritable agneau préparé par Dieu : désormais les sacrifices sanglants sont abolis comme l’avait dit le psaume 39/40 : « Tu ne voulais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit « voici, je viens » : c’est la disponibilité, la confiance du Fils (ce que saint Paul appellera son « obéissance ») qui efface les péchés des hommes : la disponibilité et non le sacrifice sanglant.

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8 janvier 2017 7 08 /01 /janvier /2017 00:00

Marie-Noëlle Thabut lit et commente l'intégralité des lectures du dimanche de la solennité de l´épiphanie du Seigneur, année A.
En marche vers dimanche du 08/01/2017.

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1 janvier 2017 7 01 /01 /janvier /2017 00:00

PREMIÈRE LECTURE – Livre des nombres, 6, 22-27


22 Le Seigneur parla à Moïse. Il dit :
23 « Parle à Aaron et à ses fils. Tu leur diras :
Voici en quels termes vous bénirez les fils d’Israël :
24 “Que le Seigneur te bénisse et te garde !
25 Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage,
qu’il te prenne en grâce !
26 Que le Seigneur tourne vers toi son visage,
qu’il t’apporte la paix !”
27 Ils invoqueront ainsi mon nom sur les fils d’Israël,
et moi, je les bénirai. »


Voici donc comment les prêtres d’Israël, depuis Aaron et ses fils, bénissaient le peuple au cours des cérémonies liturgiques au Temple de Jérusalem… Formule qui fait partie du patrimoine chrétien désormais : puisque cette phrase du livre des Nombres figure parmi les bénédictions solennelles proposées pour la fin de la Messe. Vous avez remarqué la phrase : « Mon nom sera prononcé sur les enfants d’Israël » ; c’est une façon de parler, puisque, précisément, là-bas, on ne dit jamais le nom de Dieu, pour marquer le respect qu’on lui porte.
On sait à quel point, dans ce monde-là, le nom représente la personne elle-même. Prononcer le nom est un acte juridique marquant une prise de possession, mais aussi un engagement de protection. Quand un guerrier conquiert une ville, par exemple, on dit qu’il prononce son nom sur elle ; et le jour du mariage, le nom du mari est prononcé sur sa femme ; là encore, cela implique appartenance et promesse de vigilance. (À noter que la femme ne porte pas le nom de son mari pour autant).
Quand Dieu révèle son nom à son peuple, il se rend accessible à sa prière. Réciproquement, l’invocation du nom de Dieu constitue normalement un gage de bénédiction. Par voie de conséquence, les atteintes portées au peuple ou au temple de Dieu constituent un blasphème contre son nom, une insulte personnelle. Du coup, nous comprenons mieux la phrase de Jésus : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Sur toutes les personnes que nous rencontrerons cette année, nous pourrons nous dire que Dieu a posé son nom ! Voilà qui nous incitera à les regarder d’un œil neuf !
Revenons sur la bénédiction du Livre des Nombres. Je vous propose quatre remarques :
Première remarque : la formule des prêtres est au singulier : « Que le SEIGNEUR te bénisse » et non pas : « Que le SEIGNEUR vous bénisse » ; mais, en réalité, il s’agit bien d’Israël tout entier : c’est un singulier collectif. Et, plus tard, le peuple d’Israël a bien compris que cette protection de Dieu ne lui est pas réservée, qu’elle est offerte à l’humanité tout entière.
Deuxième remarque : « Que le SEIGNEUR te bénisse » (v. 24) est au subjonctif ; curieuse expression quand on y réfléchit : est-ce que le Seigneur pourrait ne pas nous bénir ? « Que le SEIGNEUR fasse briller sur toi son visage… Que le SEIGNEUR se penche vers toi… » De la même manière : « Ils invoqueront ainsi mon Nom sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai. » (v. 27). On a envie de demander : sinon il ne les bénirait pas ? Lui qui « fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants », c’est-à-dire sur tous les hommes, Lui qui nous dit d’aimer même nos ennemis… ? Bien sûr, nous connaissons la réponse : nous savons bien que Dieu nous bénit sans cesse, que Dieu nous accompagne, qu’il est avec nous en toutes circonstances.
Et pourtant ce subjonctif, comme tous les subjonctifs, exprime un souhait : mais c’est de nous qu’il s’agit : Dieu nous bénit sans cesse, mais nous sommes libres de ne pas accueillir sa bénédiction comme le soleil brille en permanence même quand nous recherchons l’ombre… nous sommes libres de rechercher l’ombre… de la même manière, nous sommes libres d’échapper à cette action bienfaisante de Dieu… Celui ou celle qui se met à l’abri du soleil, perd toute chance de bronzer… ce ne sera pas la faute du soleil !
Alors, la formule « que Dieu vous bénisse » est le souhait que nous nous mettions sous la bénédiction de Dieu… On pourrait dire : Dieu nous propose sa bénédiction (sous-entendu : libre à nous de nous laisser faire ou pas). Ce subjonctif, justement, est là pour manifester notre liberté.
Troisième remarque, en forme de question : En quoi consiste la « bénédiction » de Dieu ? Que se passe-t-il pour nous ? Bénir est un mot latin : « bene dicere », « dire du bien »… Dieu dit du bien de nous. Ne nous étonnons pas que Dieu « dise du bien » de nous ! Puisqu’il nous aime… Il pense du bien de nous, il dit du bien de nous… Il ne voit en nous que ce qui est bien. Or la Parole de Dieu est acte : « Il dit et cela fut » (Gn 1). Donc quand Dieu dit du bien de nous, sa Parole agit en nous, elle nous transforme, elle nous fait du bien. Quand nous demandons la bénédiction de Dieu, nous nous offrons à son action transformante.
Quatrième remarque : ce n’est pas pour autant un coup de baguette magique ! Être « béni », c’est être dans la grâce de Dieu, vivre en harmonie avec Dieu, vivre dans l’Alliance. Cela ne nous épargnera pas pour autant les difficultés, les épreuves comme tout le monde ! Mais celui qui vit dans la bénédiction de Dieu, traversera les épreuves en « tenant la main de Dieu ». « Béni tu le seras, plus qu’aucun autre peuple » promettait Moïse au peuple d’Israël (Dt 7, 14). Le peuple d’Israël est béni, cela ne l’a pas empêché de traverser des périodes terribles, mais au sein de ses épreuves le croyant sait que Dieu l’accompagne.
En cette fête de Marie, mère de Dieu, tout ceci prend un sens particulier. Lorsque l’ange Gabriel envoyé à Marie pour lui annoncer la naissance de Jésus l’a saluée, il lui a dit « Je te salue, pleine de grâce », c’est-à-dire comblée de la grâce de Dieu ; elle est par excellence celle sur qui le nom de Dieu a été prononcé, celle qui reste sous cette très douce protection : « Tu es bénie entre toutes les femmes… »
Cinquième remarque : malheureusement, le texte français ne nous délivre pas toute la richesse de la formule originelle en hébreu ; cela pour deux raisons. Tout d’abord, le nom de Dieu, YHVH transcrit ici par « le SEIGNEUR », est celui que Dieu a révélé lui-même à Moïse. À lui tout seul, il est une promesse de présence protectrice, celle-là même qui a accompagné les fils d’Israël depuis leur sortie d’Égypte.
Ensuite, la traduction des verbes hébreux par un subjonctif en français est un indéniable appauvrissement. Car le système verbal en hébreu est très différent du français : pour être complet, il faudrait traduire « Le SEIGNEUR te bénit et te garde depuis toujours, il te bénit et te garde en ce moment, et il te bénira et te gardera à jamais. » Telle est bien notre foi !

PSAUME – 66 (67)


2 Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse,
que son visage s’illumine pour nous ;
3 et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.

5 Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
tu gouvernes les peuples avec droiture,
sur la terre, tu conduis les nations.

6 Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ;
qu’ils te rendent grâce, tous ensemble !
8 Que Dieu nous bénisse,
et que la terre tout entière l’adore !


On ne pouvait pas trouver de plus belle réponse que ce psaume 66 en écho à la première lecture qui nous offrait la superbe formule de bénédiction rapportée par le livre des Nombres : « Que le SEIGNEUR te bénisse et te garde ! Que le SEIGNEUR fasse briller sur toi son visage, Qu’il te prenne en grâce ! Que le SEIGNEUR tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » Notre psaume est bien dans la même tonalité.
Je vous propose cinq remarques :
Première remarque : sur le sens même du mot « bénédiction » pour commencer. On trouve chez le prophète Zacharie cette phrase : « En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues que parlent les nations s’accrocheront à un Juif par le pan de son vêtement en déclarant : « Nous voulons aller avec vous, car nous l’avons appris : Dieu est avec vous. » (Za 8, 23). Voilà une très belle définition de la « bénédiction » : dire que Dieu nous bénit, c’est dire que Dieu nous accompagne, que Dieu est avec nous. C’était, d’ailleurs, le Nom même de Dieu révélé au Sinaï : YHVH, ce Nom imprononçable1 que l’on traduit par « SEIGNEUR ». On ne sait pas le traduire mais nos frères juifs le comprennent comme une promesse de présence permanente de Dieu auprès de son peuple.
Deuxième remarque : Cette fois, c’est le peuple qui appelle sur lui, qui demande la bénédiction de Dieu : « Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse » ; à propos de la formule des prêtres (la bénédiction du livre des Nombres), j’avais insisté sur le fait que nous sommes assurés en permanence de la bénédiction de Dieu, mais que nous sommes libres de ne pas l’accueillir ; quand le prêtre dit « Que le Seigneur vous bénisse », il n’exprime pas le souhait que Dieu veuille bien nous bénir… comme si Dieu pouvait tout d’un coup cesser de nous bénir ! Le prêtre exprime le souhait que nous ouvrions notre cœur à cette bénédiction de Dieu qui peut, si nous le désirons, agir en nous et nous transformer. La fin de ce psaume le dit très bien : « Dieu, notre Dieu, nous bénit. Que Dieu nous bénisse … » Ces deux phrases ne sont pas contradictoires : Dieu nous bénit sans cesse, c’est une certitude (c’est la première phrase : « Dieu, notre Dieu, nous bénit ») ; pour nous ouvrir à son action, il suffit que nous le désirions (c’est la deuxième phrase : « Que Dieu nous bénisse »).
Troisième remarque : Cette certitude d’être exaucé avant même de formuler une demande est caractéristique de toute prière en Israël. Le croyant sait qu’il baigne en permanence dans la bénédiction, la présence bienfaisante de Dieu. « Je sais que tu m’exauces toujours » disait Jésus (Jn 11).
Quatrième remarque : le peuple d’Israël ne demande pas cette bénédiction pour lui seul. Car cette bénédiction prononcée sur Israël rayonnera, rejaillira sur les autres : « Béni (est) celui qui te bénit », avait dit Dieu à Abraham ; et il avait ajouté : « À travers toi seront bénies toutes les familles de la terre. » (Gn 12, 3). Dans ce psaume, on retrouve, comme toujours, les deux thèmes entrelacés : d’une part ce qu’on appelle l’élection d’Israël, de l’autre l’universalisme du projet de Dieu ; l’œuvre du salut de l’humanité passe à travers l’élection d’Israël.
L’élection d’Israël est bien présente dans l’expression « Dieu, notre Dieu », qui à elle seule est un rappel de l’Alliance que Dieu a conclue avec le peuple qu’il a choisi. L’universalisme du projet de Dieu est aussi très clairement affirmé : « Ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations », ou encore « Que les nations chantent leur joie ». Et d’ailleurs, vous aurez remarqué le refrain répété deux fois qui appelle le jour où tous les peuples, enfin, accueilleront la bénédiction de Dieu : « Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu’ils te rendent grâce, tous ensemble ! »
Israël sait qu’il est choisi pour être le peuple témoin : la lumière qui brille sur lui est le reflet de Celui qu’il doit faire connaître au monde. À vrai dire, cette compréhension de l’élection d’Israël comme une vocation n’a pas été immédiate pour les hommes de la Bible. Et c’est bien compréhensible : au tout début de l’histoire biblique, chaque peuple s’imaginait que les divinités régnaient sur des territoires : il y avait les divinités de Babylone et les divinités de l’Égypte et celles de tous les autres pays. C’est seulement au sixième siècle, probablement, que le peuple d’Israël a compris que son Dieu avec lequel avait été conclue l’Alliance du Sinaï, était le Dieu de tout l’univers ; l’élection d’Israël n’était pas abolie pour autant, mais elle prenait un sens nouveau. Le texte de Zacharie, que nous lisions tout à l’heure, est écrit dans cette nouvelle perspective. (« En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues que parlent les nations s’accrocheront à un Juif par le pan de son vêtement en déclarant : « Nous voulons aller avec vous, car nous l’avons appris : Dieu est avec vous. » (Za 8, 23)
À notre tour, nous sommes un peuple témoin : chaque fois que nous recevons la bénédiction de Dieu, c’est pour devenir dans le monde les reflets de sa lumière. Voilà un magnifique souhait que nous pouvons formuler les uns pour les autres en ce début d’année : être des vecteurs de la lumière de Dieu pour tous ceux qu’elle n’éblouit pas encore.
Cinquième remarque : « La terre a donné son fruit ; Dieu, notre Dieu, nous bénit. » Parce que la Parole de Dieu est acte, elle produit du fruit. Dieu avait promis une terre fertile où couleraient le lait et le miel. Et Dieu a tenu promesse. À plus forte raison, les Chrétiens relisent ce psaume en pensant à la naissance du Sauveur : quand les temps furent accomplis, la terre a porté son fruit.
—————————–
Note
Par respect pour le Nom de Dieu (YHVH, ce que l’on appelle le Tétragramme), et en fidélité à la récente directive romaine, chaque fois que je le rencontre dans un texte de l’Ancien Testament, je le transcris systématiquement en français par le mot « SEIGNEUR » en majuscules.

DEUXIÈME LECTURE – Lettre de saint Paul apôtre aux Galates, 4, 4-7


Frères,
4 lorsqu’est venue la plénitude des temps,
Dieu a envoyé son Fils,
né d’une femme
et soumis à la loi de Moïse,
5 afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi
et pour que nous soyons adoptés comme fils.
6 Et voici la preuve que vous êtes des fils :
Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs,
et cet Esprit crie
« Abba ! », c’est-à-dire : Père !
7 Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils,
et puisque tu es fils, tu es aussi héritier :
c’est l’œuvre de Dieu.


Je prends le texte tout simplement en suivant.
« Lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils » : nous retrouvons ici un thème très cher à Paul : le thème de l’accomplissement du projet de Dieu. Pour les croyants juifs, puis chrétiens, c’est un élément très important de notre foi : l’histoire n’est pas un perpétuel recommencement, elle est une marche progressive de l’humanité vers son accomplissement, vers la réalisation du « dessein bienveillant de Dieu ». C’est un thème très important dans les lettres de saint Paul ; et il est, je crois, une bonne clé de lecture pour aborder les lettres de Paul, mais pas lui seulement : en fait, c’est une clé de lecture pour toute la Bible, dès l’Ancien Testament.
Je m’arrête un peu sur ce point : les auteurs du Nouveau Testament prennent bien soin de préciser à plusieurs reprises que la vie, la passion, la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth accomplissent les Écritures. Paul, par exemple, affirme à ses juges : « Moïse et les prophètes ont prédit ce qui devait arriver et je ne dis rien de plus. » (Ac 26, 22). Et Matthieu en particulier aime dire « Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par le prophète… ». Une question nous vient immédiatement à l’esprit : tout était-il donc écrit d’avance ? En fait, c’est sur le mot « pour » qu’il faut bien s’entendre car il peut avoir deux sens : ou bien un sens de finalité, ou bien seulement un sens de conséquence. Si l’on optait pour le sens de finalité, alors, les événements se seraient produits selon un plan bien défini, prédéterminé. Si on opte pour le sens de conséquence (et c’est, je crois, ce qu’il faut faire), les événements se sont produits de telle ou telle manière et, après coup, nous comprenons comment, à travers ces événements, Dieu a accompli son projet.
Celui-ci n’est donc pas un programme, comme si le rôle de tout un chacun était déjà déterminé par avance. Dieu prend le risque de notre liberté ; et, au long des siècles, les hommes ont bien souvent contrecarré le beau projet. Alors on a pu entendre les prophètes se lamenter ; mais ils n’ont jamais perdu l’espérance ; bien au contraire, ils ont promis à maintes reprises que Dieu ne se lassait pas. Isaïe, par exemple, annonçait de la part de Dieu : « Je dis : Mon dessein subsistera et tout ce qui me plaît, je l’exécuterai. » (Is 46, 10). Et Jérémie n’était pas en reste : « Moi, je sais les projets que j’ai formés à votre sujet – oracle du SEIGNEUR -, projets de prospérité et non de malheur : je vais vous donner un avenir et une espérance. » (Jr 29, 11). Ce que les auteurs du Nouveau Testament contemplent inlassablement, c’est l’accomplissement par Jésus des promesses de Dieu.
« Dieu a envoyé son Fils : né d’une femme, et soumis à la Loi de Moïse » : en quelques mots Paul nous dit tout le mystère de la personne de Jésus : Fils de Dieu, homme comme tous les autres, Juif comme tous les Juifs. L’expression « né d’une femme », pour commencer, est courante dans la Bible ; elle veut dire tout simplement « un homme comme les autres » ; il arrive par exemple que, pour ne pas répéter dans une même phrase le mot « hommes », on le remplace par « ceux qui naissent des femmes » (Si 10, 18 ; Jb 15, 14 ; Jb 25, 4). Jésus lui-même l’a employée en parlant de Jean-Baptiste : « En vérité, je vous le déclare : parmi ceux qui sont nés d’une femme, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste. » (Mt 11, 11 ; Lc 7, 28).1 Quant à l’expression « soumis à la Loi de Moïse », elle signifie qu’il a accepté la condition des hommes de son peuple.
Paul continue « Afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et faire de nous des fils ». Nous avons déjà rencontré de nombreuses fois le mot « racheter » : nous savons qu’il signifie « libérer », « affranchir ». Dans l’Ancien Testament, le « racheteur » était précisément celui qui affranchissait l’esclave. Ce n’est donc pas la même chose d’être sous la domination de la Loi et d’être fils… Il y a un passage à faire : le sujet de la Loi, c’est celui qui se soumet à des ordres ; il se conduit en esclave. Le fils, c’est celui qui vit dans l’amour et la confiance : il peut « obéir » à son père ; c’est-à-dire mettre son oreille sous la parole du père parce qu’il fait confiance à son père, il sait que la parole du père n’est dictée que par l’amour. Ce qui veut dire que nous passons de la domination de la Loi à l’obéissance des fils.
Ce passage à une attitude filiale, confiante, nous pouvons le faire parce que « L’Esprit du Fils est dans nos cœurs, et il crie vers le Père en l’appelant Abba ! » ce qui veut dire « Père ». Le seul cri qui nous sauve, en toutes circonstances, c’est ce mot « Abba », Père, qui est le cri du petit enfant. Être sûr, quoi qu’il arrive, que Dieu est un Père pour nous, qu’il n’est que bienveillant à notre égard, c’est l’attitude filiale que le Christ est venu vivre parmi nous, en notre nom. Paul continue : « Tu n’es plus esclave, mais fils, et comme fils, tu es héritier ». Il faut prendre le mot au sens fort ; « héritier », cela veut dire que ce qui est à Lui nous est promis ; seulement, il faut oser le croire… et c’est là notre problème.
Quand Jésus nous traite « d’hommes de peu de foi », peut-être est-ce cela qu’il veut dire : nous n’osons pas croire que l’Esprit de Dieu est en nous, nous n’osons pas croire que sa force est en nous, nous n’osons pas croire que tout ce qui est à lui est à nous ; c’est-à-dire que sa capacité d’amour est en nous.
Sans oublier que nous n’y avons aucun mérite ! Si nous sommes héritiers, c’est par la grâce de Dieu : alors nous commençons à comprendre pourquoi on peut dire que « tout est grâce ».
—————————-
Note
Paul pensait peut-être à ce que le livre de la Sagesse fait dire à Salomon : « Je suis, moi aussi, un homme mortel, égal à tous, descendant du premier qui fut modelé de terre. Dans le ventre d’une mère, j’ai été sculpté en chair. » (Sg 6-7, 1).

ÉVANGILE – selon saint Luc, 2, 16-21


En ce temps-là,
16 les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem,
et ils découvrirent Marie et Joseph,
avec le nouveau-né
couché dans la mangeoire.
17 Après avoir vu,
ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé
au sujet de cet enfant.
18 Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient
de ce que leur racontaient les bergers.
19 Marie, cependant, retenait tous ces événements
et les méditait dans son cœur.
20 Les bergers repartirent ;
ils glorifiaient et louaient Dieu
pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu,
selon ce qui leur avait été annoncé.
21 Quand fut arrivé le huitième jour,
celui de la circoncision,
l’enfant reçut le nom de Jésus,
le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.


Ce récit apparemment anecdotique est en réalité profondément « théologique ». Ce qui veut dire que tous les détails comptent. Je vous propose de les relire un à un dans l’ordre du texte.
Les bergers, tout d’abord : c’étaient des gens peu recommandables, des marginaux, car leur métier les empêchait de fréquenter les synagogues et de respecter le sabbat. Or ce sont eux qui sont les premiers prévenus de l’événement qui vient de bouleverser l’histoire de l’humanité ! Et ils deviennent de ce fait les premiers apôtres, les premiers témoins : ils racontent, on les écoute, ils étonnent ! Ils racontent cette annonce étrange dont ils ont bénéficié en pleine nuit ; voici le récit de Luc pour cette fameuse nuit : « Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’Ange du Seigneur s’approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte, mais l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. » (sous-entendu parce que Dieu les aime). Ils racontent tout cela, avec leurs mots à eux ; et on ne peut s’empêcher de penser à une fameuse phrase de Jésus, une trentaine d’années plus tard : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Lc 10, 21-22 ; Mt 11, 25). Cela a commencé dès le début de sa vie.
Tout ceci se passe dans le petit village de Bethléem : tout le monde le savait à l’époque, c’est la ville qui devait voir naître le Messie, dans la descendance de David. Bethléem, c’est aussi la ville dont le nom signifie littéralement « la maison du pain » et le nouveau-né est couché dans une mangeoire : belle image pour celui qui vient se donner en nourriture pour l’humanité.
« Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » À l’inverse des bergers que l’événement rend bavards, Marie contemple et médite dans son cœur ; Luc veut-il faire ici un rapprochement avec la vision du fils de l’homme chez le prophète Daniel ? Après cette vision, Daniel avoue : « Mes réflexions me tourmentèrent… et je gardai la chose dans mon cœur. » (Dn 7, 28). Ce serait pour Luc une manière de profiler déjà devant nous le destin grandiose de ce nourrisson. On sait, premièrement, que le livre de Daniel était bien connu au temps de Jésus, et, deuxièmement, qu’il annonçait un Messie-Roi triomphant de tous les ennemis d’Israël.
Le nom de l’enfant, déjà, révèle son mystère : « Jésus » signifie « Dieu sauve » et si (à l’inverse de Matthieu) Luc ne précise pas cette étymologie, il a, quelques versets plus haut, rapporté la phrase de l’ange « Il vous est né un Sauveur » (Lc 2, 11).
En même temps, il vit à fond la solidarité avec son peuple : comme tout enfant juif, il est circoncis le huitième jour ; « il a été sous la domination de la Loi de Moïse pour racheter ceux qui étaient sous la domination de la Loi », dit Paul dans la lettre aux Galates (Ga 4, 4 : notre deuxième lecture). Les trois autres évangiles ne parlent pas de la circoncision de Jésus, tellement la chose allait de soi. « Ce sera le signe de l’Alliance entre moi et vous… Mon Alliance deviendra dans votre chair une alliance perpétuelle », avait dit Dieu à Abraham (Gn 17). Et le Livre du Lévitique en avait tiré une loi selon laquelle tout garçon devait être circoncis le huitième jour. Joseph et Marie n’ont fait que s’y conformer : pour tout Juif de l’époque, obéir à la Loi de Moïse était le meilleur moyen, pensait-on, de faire la volonté de Dieu. Le plus surprenant pour nous n’est donc pas le fait même de la circoncision de Jésus, mais l’insistance de cet évangéliste : visiblement, saint Luc a souhaité marquer la volonté du jeune couple de se conformer en tous points à la Loi de Moïse.
Il y revient quelques lignes plus tard, pour raconter la présentation de l’enfant au Temple : « Quand arriva le jour fixé par la Loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi… Ils venaient aussi présenter en offrande le sacrifice prescrit par la Loi du Seigneur. » (Lc 2, 22-24). Plus que la bonne volonté d’un couple fervent, sans doute Luc veut-il nous faire entrevoir l’entière solidarité de Jésus avec son peuple ; le dernier soir, Jésus lui-même l’a revendiquée : « Il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Écriture : Il a été compté avec les pécheurs » (Lc 22, 37).
Enfin, dernière remarque, on ne peut s’empêcher de remarquer (et cela est valable pour les quatre lectures de cette fête) la discrétion du personnage de Marie, alors même que cette liturgie lui est dédiée sous le vocable de « Marie, Mère de Dieu ». (Luc dit seulement : « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » À l’inverse des bergers que l’événement rend bavards, Marie contemple et médite dans son cœur ; ) peut-être ce silence même de Marie est-il un message pour nous : la gloire de Marie, c’est justement d’avoir tout simplement accepté d’être la mère de Dieu, d’avoir su se mettre tout entière, humblement, au service de l’accomplissement du projet de salut de Dieu ; elle n’est pas le centre du projet ; le centre du projet, c’est Jésus, celui dont le nom signifie « Dieu sauve ».

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1 janvier 2017 7 01 /01 /janvier /2017 00:00
Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,
dimanche 1er janvier 2017

Fête de Sainte Marie, mère de Dieu

PREMIERE LECTURE – Livre des nombres, 6, 22-27

22 Le Seigneur parla à Moïse. Il dit :
23 « Parle à Aaron et à ses fils. Tu leur diras :
Voici en quels termes vous bénirez les fils d’Israël :
24 “Que le Seigneur te bénisse et te garde !
25 Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage,
qu’il te prenne en grâce !
26 Que le Seigneur tourne vers toi son visage,
qu’il t’apporte la paix !”
27 Ils invoqueront ainsi mon nom sur les fils d’Israël,
et moi, je les bénirai. »


Voici donc comment les prêtres d’Israël, depuis Aaron et ses fils, bénissaient le peuple au cours des cérémonies liturgiques au Temple de Jérusalem… Formule qui fait partie du patrimoine chrétien désormais : puisque cette phrase du livre des Nombres figure parmi les bénédictions solennelles proposées pour la fin de la Messe. Vous avez remarqué la phrase : « Mon nom sera prononcé sur les enfants d’Israël » ; c’est une façon de parler, puisque, précisément, là-bas, on ne dit jamais le nom de Dieu, pour marquer le respect qu’on lui porte.
On sait à quel point, dans ce monde-là, le nom représente la personne elle-même. Prononcer le nom est un acte juridique marquant une prise de possession, mais aussi un engagement de protection. Quand un guerrier conquiert une ville, par exemple, on dit qu’il prononce son nom sur elle ; et le jour du mariage, le nom du mari est prononcé sur sa femme ; là encore, cela implique appartenance et promesse de vigilance. (A noter que la femme ne porte pas le nom de son mari pour autant).
Quand Dieu révèle son nom à son peuple, il se rend accessible à sa prière. Réciproquement, l’invocation du nom de Dieu constitue normalement un gage de bénédiction. Par voie de conséquence, les atteintes portées au peuple ou au temple de Dieu constituent un blasphème contre son nom, une insulte personnelle. Du coup, nous comprenons mieux la phrase de Jésus : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Sur toutes les personnes que nous rencontrerons cette année, nous pourrons nous dire que Dieu a posé son nom ! Voilà qui nous incitera à les regarder d’un oeil neuf !
Revenons sur la bénédiction du Livre des Nombres. Je vous propose quatre remarques :
Première remarque : la formule des prêtres est au singulier : « Que le SEIGNEUR te bénisse » et non pas : « Que le SEIGNEUR vous bénisse » ; mais, en réalité, il s’agit bien d’Israël tout entier : c’est un singulier collectif. Et, plus tard, le peuple d’Israël a bien compris que cette protection de Dieu ne lui est pas réservée, qu’elle est offerte à l’humanité tout entière.
Deuxième remarque : « Que le SEIGNEUR te bénisse » (v. 24) est au subjonctif ; curieuse expression quand on y réfléchit : est-ce que le Seigneur pourrait ne pas nous bénir ? « Que le SEIGNEUR fasse briller sur toi son visage… Que le SEIGNEUR se penche vers toi… » De la même manière : « Ils invoqueront ainsi mon Nom sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai. » (v. 27). On a envie de demander : sinon il ne les bénirait pas ? Lui qui « fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants », c’est-à-dire sur tous les hommes, Lui qui nous dit d’aimer même nos ennemis… ? Bien sûr, nous connaissons la réponse : nous savons bien que Dieu nous bénit sans cesse, que Dieu nous accompagne, qu’il est avec nous en toutes circonstances.
Et pourtant ce subjonctif, comme tous les subjonctifs, exprime un souhait : mais c’est de nous qu’il s’agit : Dieu nous bénit sans cesse, mais nous sommes libres de ne pas accueillir sa bénédiction… comme le soleil brille en permanence même quand nous recherchons l’ombre… nous sommes libres de rechercher l’ombre… de la même manière, nous sommes libres d’échapper à cette action bienfaisante de Dieu… Celui ou celle qui se met à l’abri du soleil, perd toute chance de bronzer… ce ne sera pas la faute du soleil !
Alors, la formule « que Dieu vous bénisse » est le souhait que nous nous mettions sous la bénédiction de Dieu… On pourrait dire : Dieu nous propose sa bénédiction (sous-entendu : libre à nous de nous laisser faire ou pas). Ce subjonctif, justement, est là pour manifester notre liberté.
Troisième remarque, en forme de question : En quoi consiste la « bénédiction » de Dieu ? Que se passe-t-il pour nous ? Bénir est un mot latin : « bene dicere », « dire du bien »… Dieu dit du bien de nous. Ne nous étonnons pas que Dieu « dise du bien » de nous ! Puisqu’il nous aime… Il pense du bien de nous, il dit du bien de nous… Il ne voit en nous que ce qui est bien. Or la Parole de Dieu est acte : « Il dit et cela fut » (Gn 1). Donc quand Dieu dit du bien de nous, sa Parole agit en nous, elle nous transforme, elle nous fait du bien. Quand nous demandons la bénédiction de Dieu, nous nous offrons à son action transformante.
Quatrième remarque : ce n’est pas pour autant un coup de baguette magique ! Etre « béni », c’est être dans la grâce de Dieu, vivre en harmonie avec Dieu, vivre dans l’Alliance. Cela ne nous épargnera pas pour autant les difficultés, les épreuves comme tout le monde ! Mais celui qui vit dans la bénédiction de Dieu, traversera les épreuves en « tenant la main de Dieu ». « Béni tu le seras, plus qu’aucun autre peuple » promettait Moïse au peuple d’Israël (Dt 7, 14). Le peuple d’Israël est béni, cela ne l’a pas empêché de traverser des périodes terribles, mais au sein de ses épreuves le croyant sait que Dieu l’accompagne.
En cette fête de Marie, mère de Dieu, tout ceci prend un sens particulier. Lorsque l’ange Gabriel envoyé à Marie pour lui annoncer la naissance de Jésus l’a saluée, il lui a dit « Je te salue, pleine de grâce », c’est-à-dire comblée de la grâce de Dieu ; elle est par excellence celle sur qui le nom de Dieu a été prononcé, celle qui reste sous cette très douce protection : « Tu es bénie entre toutes les femmes… »
Cinquième remarque : Malheureusement, le texte français ne nous délivre pas toute la richesse de la formule originelle en hébreu ; cela pour deux raisons. Tout d’abord, le nom de Dieu, YHVH transcrit ici par « le SEIGNEUR », est celui que Dieu a révélé lui-même à Moïse. A lui tout seul, il est une promesse de présence protectrice, celle-là même qui a accompagné les fils d’Israël depuis leur sortie d’Egypte.
Ensuite, la traduction des verbes hébreux par un subjonctif en français est un indéniable appauvrissement. Car le système verbal en hébreu est très différent du français : pour être complet, il faudrait traduire « Le SEIGNEUR te bénit et te garde depuis toujours, il te bénit et te garde en ce moment, et il te bénira et te gardera à jamais. » Telle est bien notre foi !

PSAUME – 66 (67)

2 Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse,
que son visage s’illumine pour nous ;
3 et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.

5 Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
tu gouvernes les peuples avec droiture,
sur la terre, tu conduis les nations.

6 Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ;
qu’ils te rendent grâce, tous ensemble !
8 Que Dieu nous bénisse,
et que la terre tout entière l’adore !


On ne pouvait pas trouver de plus belle réponse que ce psaume 66 en écho à la première lecture qui nous offrait la superbe formule de bénédiction rapportée par le livre des Nombres : « Que le SEIGNEUR te bénisse et te garde ! Que le SEIGNEUR fasse briller sur toi son visage, Qu’il te prenne en grâce ! Que le SEIGNEUR tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » Notre psaume est bien dans la même tonalité.
Je vous propose cinq remarques :
Première remarque : sur le sens même du mot « bénédiction » pour commencer. On trouve chez le prophète Zacharie cette phrase : « En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues que parlent les nations s’accrocheront à un Juif par le pan de son vêtement en déclarant : « Nous voulons aller avec vous, car nous l’avons appris : Dieu est avec vous. » (Za 8, 23). Voilà une très belle définition de la « bénédiction » : dire que Dieu nous bénit, c’est dire que Dieu nous accompagne, que Dieu est avec nous. C’était, d’ailleurs, le Nom même de Dieu révélé au Sinaï : YHVH, ce Nom imprononçable1 que l’on traduit par « SEIGNEUR ». On ne sait pas le traduire mais nos frères juifs le comprennent comme une promesse de présence permanente de Dieu auprès de son peuple.
Deuxième remarque : Cette fois, c’est le peuple qui appelle sur lui, qui demande la bénédiction de Dieu : « Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse » ; à propos de la formule des prêtres (la bénédiction du livre des Nombres), j’avais insisté sur le fait que nous sommes assurés en permanence de la bénédiction de Dieu, mais que nous sommes libres de ne pas l’accueillir ; quand le prêtre dit « Que le Seigneur vous bénisse », il n’exprime pas le souhait que Dieu veuille bien nous bénir… comme si Dieu pouvait tout d’un coup cesser de nous bénir ! Le prêtre exprime le souhait que nous ouvrions notre coeur à cette bénédiction de Dieu qui peut, si nous le désirons, agir en nous et nous transformer. La fin de ce psaume le dit très bien : « Dieu, notre Dieu, nous bénit. Que Dieu nous bénisse … » Ces deux phrases ne sont pas contradictoires : Dieu nous bénit sans cesse, c’est une certitude (c’est la première phrase : « Dieu, notre Dieu, nous bénit ») ; pour nous ouvrir à son action, il suffit que nous le désirions (c’est la deuxième phrase : « Que Dieu nous bénisse »).
Troisième remarque : Cette certitude d’être exaucé avant même de formuler une demande est caractéristique de toute prière en Israël. Le croyant sait qu’il baigne en permanence dans la bénédiction, la présence bienfaisante de Dieu. « Je sais que tu m’exauces toujours » disait Jésus (Jn 11).
Quatrième remarque : Le peuple d’Israël ne demande pas cette bénédiction pour lui seul. Car cette bénédiction prononcée sur Israël rayonnera, rejaillira sur les autres : « Béni (est) celui qui te bénit », avait dit Dieu à Abraham ; et il avait ajouté : « A travers toi seront bénies toutes les familles de la terre. » (Gn 12, 3). Dans ce psaume, on retrouve, comme toujours, les deux thèmes entrelacés : d’une part ce qu’on appelle l’élection d’Israël, de l’autre l’universalisme du projet de Dieu ; l’œuvre du salut de l’humanité passe à travers l’élection d’Israël.
L’élection d’Israël est bien présente dans l’expression « Dieu, notre Dieu », qui à elle seule est un rappel de l’Alliance que Dieu a conclue avec le peuple qu’il a choisi. L’universalisme du projet de Dieu est aussi très clairement affirmé : « Ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations », ou encore « Que les nations chantent leur joie ». Et d’ailleurs, vous aurez remarqué le refrain répété deux fois qui appelle le jour où tous les peuples, enfin, accueilleront la bénédiction de Dieu : « Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu’ils te rendent grâce, tous ensemble ! »
Israël sait qu’il est choisi pour être le peuple témoin : la lumière qui brille sur lui est le reflet de Celui qu’il doit faire connaître au monde. A vrai dire, cette compréhension de l’élection d’Israël comme une vocation n’a pas été immédiate pour les hommes de la Bible. Et c’est bien compréhensible : au tout début de l’histoire biblique, chaque peuple s’imaginait que les divinités régnaient sur des territoires : il y avait les divinités de Babylone et les divinités de l’Egypte et celles de tous les autres pays. C’est seulement au sixième siècle, probablement, que le peuple d’Israël a compris que son Dieu avec lequel avait été conclue l’Alliance du Sinaï, était le Dieu de tout l’univers ; l’élection d’Israël n’était pas abolie pour autant, mais elle prenait un sens nouveau. Le texte de Zacharie, que nous lisions tout à l’heure, est écrit dans cette nouvelle perspective. (« En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues que parlent les nations s’accrocheront à un Juif par le pan de son vêtement en déclarant : « Nous voulons aller avec vous, car nous l’avons appris : Dieu est avec vous. » (Za 8, 23)
A notre tour, nous sommes un peuple témoin : chaque fois que nous recevons la bénédiction de Dieu, c’est pour devenir dans le monde les reflets de sa lumière. Voilà un magnifique souhait que nous pouvons formuler les uns pour les autres en ce début d’année : être des vecteurs de la lumière de Dieu pour tous ceux qu’elle n’éblouit pas encore.
Cinquième remarque : « La terre a donné son fruit ; Dieu, notre Dieu, nous bénit. » Parce que la Parole de Dieu est acte, elle produit du fruit. Dieu avait promis une terre fertile où couleraient le lait et le miel. Et Dieu a tenu promesse. A plus forte raison, les Chrétiens relisent ce psaume en pensant à la naissance du Sauveur : quand les temps furent accomplis, la terre a porté son fruit.
—————————–
Note
Par respect pour le Nom de Dieu (YHVH, ce que l’on appelle le Tétragramme), et en fidélité à la récente directive romaine, chaque fois que je le rencontre dans un texte de l’Ancien Testament, je le transcris systématiquement en français par le mot « SEIGNEUR » en majuscules.

DEUXIEME LECTURE – Lettre de saint Paul apôtre aux Galates, 4, 4-7

Frères,
4 lorsqu’est venue la plénitude des temps,
Dieu a envoyé son Fils,
né d’une femme
et soumis à la loi de Moïse,
5 afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi
et pour que nous soyons adoptés comme fils.
6 Et voici la preuve que vous êtes des fils :
Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs,
et cet Esprit crie
« Abba ! », c’est-à-dire : Père !
7 Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils,
et puisque tu es fils, tu es aussi héritier :
c’est l’œuvre de Dieu.


Je prends le texte tout simplement en suivant
« Lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils » : nous retrouvons ici un thème très cher à Paul : le thème de l’accomplissement du projet de Dieu. Pour les croyants juifs, puis chrétiens, c’est un élément très important de notre foi : l’histoire n’est pas un perpétuel recommencement, elle est une marche progressive de l’humanité vers son accomplissement, vers la réalisation du « dessein bienveillant de Dieu ». C’est un thème très important dans les lettres de Saint Paul ; et il est, je crois, une bonne clé de lecture pour aborder les lettres de Paul, mais pas lui seulement : en fait, c’est une clé de lecture pour toute la Bible, dès l’Ancien Testament.
Je m’arrête un peu sur ce point : les auteurs du Nouveau Testament prennent bien soin de préciser à plusieurs reprises que la vie, la passion, la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth accomplissent les Ecritures. Paul, par exemple, affirme à ses juges : « Moïse et les prophètes ont prédit ce qui devait arriver et je ne dis rien de plus. » (Ac 26, 22). Et Matthieu en particulier aime dire « Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par le prophète… ». Une question nous vient immédiatement à l’esprit : tout était-il donc écrit d’avance ? En fait, c’est sur le mot « pour » qu’il faut bien s’entendre car il peut avoir deux sens : ou bien un sens de finalité, ou bien seulement un sens de conséquence. Si l’on optait pour le sens de finalité, alors, les événements se seraient produits selon un plan bien défini, prédéterminé. Si on opte pour le sens de conséquence (et c’est, je crois, ce qu’il faut faire), les événements se sont produits de telle ou telle manière et, après coup, nous comprenons comment, à travers ces événements, Dieu a accompli son projet.
Celui-ci n’est donc pas un programme, comme si le rôle de tout un chacun était déjà déterminé par avance. Dieu prend le risque de notre liberté ; et, au long des siècles, les hommes ont bien souvent contrecarré le beau projet. Alors on a pu entendre les prophètes se lamenter ; mais ils n’ont jamais perdu l’espérance ; bien au contraire, ils ont promis à maintes reprises que Dieu ne se lassait pas. Isaïe, par exemple, annonçait de la part de Dieu : « Je dis : Mon dessein subsistera et tout ce qui me plaît, je l’exécuterai. » (Is 46, 10). Et Jérémie n’était pas en reste : « Moi, je sais les projets que j’ai formés à votre sujet – oracle du SEIGNEUR -, projets de prospérité et non de malheur : je vais vous donner un avenir et une espérance. » (Jr 29, 11). Ce que les auteurs du Nouveau Testament contemplent inlassablement, c’est l’accomplissement par Jésus des promesses de Dieu.
« Dieu a envoyé son Fils : né d’une femme, et soumis à la Loi de Moïse » : en quelques mots Paul nous dit tout le mystère de la personne de Jésus : Fils de Dieu, homme comme tous les autres, Juif comme tous les Juifs. L’expression « né d’une femme », pour commencer, est courante dans la Bible ; elle veut dire tout simplement « un homme comme les autres » ; il arrive par exemple que, pour ne pas répéter dans une même phrase le mot « hommes », on le remplace par « ceux qui naissent des femmes » (Si 10, 18 ; Jb 15, 14 ; Jb 25, 4). Jésus lui-même l’a employée en parlant de Jean-Baptiste : « En vérité, je vous le déclare : parmi ceux qui sont nés d’une femme, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste. » (Mt 11, 11 ; Lc 7, 28).1 Quant à l’expression « soumis à la Loi de Moïse », elle signifie qu’il a accepté la condition des hommes de son peuple.
Paul continue « Afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et faire de nous des fils ». Nous avons déjà rencontré de nombreuses fois le mot « racheter » : nous savons qu’il signifie « libérer », « affranchir ». Dans l’Ancien Testament, le « racheteur » était précisément celui qui affranchissait l’esclave. Ce n’est donc pas la même chose d’être sous la domination de la Loi et d’être fils… Il y a un passage à faire : le sujet de la Loi, c’est celui qui se soumet à des ordres ; il se conduit en esclave. Le fils, c’est celui qui vit dans l’amour et la confiance : il peut « obéir » à son père ; c’est-à-dire mettre son oreille sous la parole du père parce qu’il fait confiance à son père, il sait que la parole du père n’est dictée que par l’amour. Ce qui veut dire que nous passons de la domination de la Loi à l’obéissance des fils.
Ce passage à une attitude filiale, confiante, nous pouvons le faire parce que « L’Esprit du Fils est dans nos coeurs, et il crie vers le Père en l’appelant Abba ! » ce qui veut dire « Père ». Le seul cri qui nous sauve, en toutes circonstances, c’est ce mot « Abba », Père, qui est le cri du petit enfant. Etre sûr, quoi qu’il arrive, que Dieu est un Père pour nous, qu’il n’est que bienveillant à notre égard, c’est l’attitude filiale que le Christ est venu vivre parmi nous, en notre nom. Paul continue : « Tu n’es plus esclave, mais fils, et comme fils, tu es héritier ». Il faut prendre le mot au sens fort ; « héritier », cela veut dire que ce qui est à Lui nous est promis ; seulement, il faut oser le croire… et c’est là notre problème.
Quand Jésus nous traite « d’hommes de peu de foi », peut-être est-ce cela qu’il veut dire : nous n’osons pas croire que l’Esprit de Dieu est en nous, nous n’osons pas croire que sa force est en nous, nous n’osons pas croire que tout ce qui est à lui est à nous ; c’est-à-dire que sa capacité d’amour est en nous.
Sans oublier que nous n’y avons aucun mérite ! Si nous sommes héritiers, c’est par la grâce de Dieu : alors nous commençons à comprendre pourquoi on peut dire que « tout est grâce ».
—————————-
Note
Paul pensait peut-être à ce que le livre de la Sagesse fait dire à Salomon : « Je suis, moi aussi, un homme mortel, égal à tous, descendant du premier qui fut modelé de terre. Dans le ventre d’une mère, j’ai été sculpté en chair. » (Sg 6-7, 1).

EVANGILE – selon Saint Luc, 2, 16-21

En ce temps-là,
16 les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem,
et ils découvrirent Marie et Joseph,
avec le nouveau-né
couché dans la mangeoire.
17 Après avoir vu,
ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé
au sujet de cet enfant.
18 Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient
de ce que leur racontaient les bergers.
19 Marie, cependant, retenait tous ces événements
et les méditait dans son cœur.
20 Les bergers repartirent ;
ils glorifiaient et louaient Dieu
pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu,
selon ce qui leur avait été annoncé.
21 Quand fut arrivé le huitième jour,
celui de la circoncision,
l’enfant reçut le nom de Jésus,
le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.


Ce récit apparemment anecdotique est en réalité profondément « théologique ». Ce qui veut dire que tous les détails comptent. Je vous propose de les relire un à un dans l’ordre du texte.
Les bergers, tout d’abord : c’étaient des gens peu recommandables, des marginaux, car leur métier les empêchait de fréquenter les synagogues et de respecter le sabbat. Or ce sont eux qui sont les premiers prévenus de l’événement qui vient de bouleverser l’histoire de l’humanité ! Et ils deviennent de ce fait les premiers apôtres, les premiers témoins : ils racontent, on les écoute, ils étonnent ! Ils racontent cette annonce étrange dont ils ont bénéficié en pleine nuit ; voici le récit de Luc pour cette fameuse nuit : « Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’Ange du Seigneur s’approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte, mais l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmaillotté et couché dans une mangeoire. Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. » (sous-entendu parce que Dieu les aime). Ils racontent tout cela, avec leurs mots à eux ; et on ne peut s’empêcher de penser à une fameuse phrase de Jésus, une trentaine d’années plus tard : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Lc 10, 21-22 ; Mt 11, 25). Cela a commencé dès le début de sa vie.
Tout ceci se passe dans le petit village de Bethléem : tout le monde le savait à l’époque, c’est la ville qui devait voir naître le Messie, dans la descendance de David. Bethléem, c’est aussi la ville dont le nom signifie littéralement « la maison du pain » et le nouveau-né est couché dans une mangeoire : belle image pour celui qui vient se donner en nourriture pour l’humanité.
« Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur. » A l’inverse des bergers que l’événement rend bavards, Marie contemple et médite dans son coeur ; Luc veut-il faire ici un rapprochement avec la vision du fils de l’homme chez le prophète Daniel ? Après cette vision, Daniel avoue : « Mes réflexions me tourmentèrent… et je gardai la chose dans mon coeur. » (Dn 7, 28). Ce serait pour Luc une manière de profiler déjà devant nous le destin grandiose de ce nourrisson. On sait, premièrement, que le livre de Daniel était bien connu au temps de Jésus, et, deuxièmement, qu’il annonçait un Messie-Roi triomphant de tous les ennemis d’Israël.
Le nom de l’enfant, déjà, révèle son mystère : « Jésus » signifie « Dieu sauve » et si (à l’inverse de Matthieu) Luc ne précise pas cette étymologie, il a, quelques versets plus haut, rapporté la phrase de l’ange « Il vous est né un Sauveur » (Lc 2, 11).
En même temps, il vit à fond la solidarité avec son peuple : comme tout enfant juif, il est circoncis le huitième jour ; « il a été sous la domination de la Loi de Moïse pour racheter ceux qui étaient sous la domination de la Loi », dit Paul dans la lettre aux Galates (Ga 4, 4 : notre deuxième lecture). Les trois autres évangiles ne parlent pas de la circoncision de Jésus, tellement la chose allait de soi. « Ce sera le signe de l’Alliance entre moi et vous… Mon Alliance deviendra dans votre chair une alliance perpétuelle », avait dit Dieu à Abraham (Gn 17). Et le Livre du Lévitique en avait tiré une loi selon laquelle tout garçon devait être circoncis le huitième jour. Joseph et Marie n’ont fait que s’y conformer : pour tout Juif de l’époque, obéir à la Loi de Moïse était le meilleur moyen, pensait-on, de faire la volonté de Dieu. Le plus surprenant pour nous n’est donc pas le fait même de la circoncision de Jésus, mais l’insistance de cet évangéliste : visiblement, Saint Luc a souhaité marquer la volonté du jeune couple de se conformer en tous points à la Loi de Moïse.
Il y revient quelques lignes plus tard, pour raconter la présentation de l’enfant au Temple : « Quand arriva le jour fixé par la Loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi… Ils venaient aussi présenter en offrande le sacrifice prescrit par la Loi du Seigneur. » (Lc 2, 22-24). Plus que la bonne volonté d’un couple fervent, sans doute Luc veut-il nous faire entrevoir l’entière solidarité de Jésus avec son peuple ; le dernier soir, Jésus lui-même l’a revendiquée : « Il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Ecriture : Il a été compté avec les pécheurs » (Lc 22, 37).
Enfin, dernière remarque, on ne peut s’empêcher de remarquer (et cela est valable pour les quatre lectures de cette fête) la discrétion du personnage de Marie, alors même que cette liturgie lui est dédiée sous le vocable de « Marie, Mère de Dieu ». (Luc dit seulement : « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur. » A l’inverse des bergers que l’événement rend bavards, Marie contemple et médite dans son coeur ; ) peut-être ce silence même de Marie est-il un message pour nous : la gloire de Marie, c’est justement d’avoir tout simplement accepté d’être la mère de Dieu, d’avoir su se mettre tout entière, humblement, au service de l’accomplissement du projet de salut de Dieu ; elle n’est pas le centre du projet ; le centre du projet, c’est Jésus, celui dont le nom signifie « Dieu sauve ».

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25 décembre 2016 7 25 /12 /décembre /2016 00:00

PREMIÈRE LECTURE -  Livre du prophète Isaïe  52, 7-10

 

7            Comme ils sont beaux sur les montagnes,
              les pas du messager,
              celui qui annonce la paix,
              qui porte la bonne nouvelle,
              qui annonce le salut,
              et vient dire à Sion :
              « Il règne, ton Dieu ! »
8            Écoutez la voix des guetteurs :
              ils élèvent la voix,
              tous ensemble ils crient de joie
              car, de leurs propres yeux,
              ils voient le SEIGNEUR qui revient à Sion.
9           Éclatez en cris de joie,
              vous, ruines de Jérusalem,
              car le SEIGNEUR console son peuple,
              il rachète Jérusalem !
10          Le SEIGNEUR a montré la sainteté de son bras
              aux yeux de toutes les nations.
              Tous les lointains de la terre
              ont vu le salut de notre Dieu.

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 « Écla­tez en cris de joie, rui­nes de Jé­ru­sa­lem ! » L'expression  « rui­nes de Jé­ru­sa­lem » nous permet de situer très précisément ce texte d’Isaïe : Jérusalem a été dévastée par les troupes de Na­bu­cho­do­no­sor en 587 av. J.-C. Elles ont commis les horreurs que commettaient toutes les armées victorieuses à l’époque : pillage, destructions, viols, profanations. Des agriculteurs ont été maintenus sur place pour nourrir les occupants ; et ce qui restait d’hommes et de femmes valides ont été emmenés en déportation à Babylone. Cet Exil devait durer cinquante ans, ce qui est considérable ; amplement le temps de se décourager, de croire qu’on ne reverrait jamais le pays.

Et voilà que le prophète annonce le retour ; il a commencé sa prédication par les mots « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu » (Is 40, 1). Ici, il reprend exactement le même mot, (« le SEIGNEUR console son peuple »), pour dire que Dieu a déjà agi, le retour est pour très bientôt. Et il voit déjà le messager qui ira annoncer la grande nouvelle à Jérusalem et le guetteur qui, du haut des collines de Jérusalem, verra revenir les colonnes de déportés.

Un mes­sa­ger à pied et un guet­teur, voilà deux per­son­na­ges qu'on a bien du mal à se re­pré­sen­ter aujourd'hui ! En ce temps de té­lé­com­mu­ni­ca­tions tri­om­phan­tes (té­lé­vi­sion, té­lé­pho­ne por­ta­tif, fax...) nous avons un ef­fort d'imagination à fai­re !..

Mais dans le mon­de an­ti­que, il n'y avait pas d'autre moyen qu'un cou­reur à pied pour an­non­cer les nou­vel­les. On connaît le fa­meux exem­ple du cou­reur de Ma­ra­thon : en 490 av. J.-C., lorsque les Athéniens ont remporté la bataille de Marathon contre les Perses, un coureur s’est précipité à Athènes (qui est à quarante-deux kilomètres de Marathon), pour annoncer la Bonne Nouvelle de la victoire. Il a couru d’un trait les quarante-deux kilomètres et a juste eu le temps de crier victoire avant de s’effondrer. C’est de là que vient notre expression « courir le Marathon ».

À l’époque, lorsque les messagers couraient porter les nouvelles, il y avait dans le même temps des guetteurs postés sur les murailles des villes ou sur les collines alentour pour surveiller l'horizon.

Isaïe imagine le guetteur posté sur le haut des rem­parts ou sur le mont des oliviers, peut-être, et qui voit déjà voler de colline en colline le mes­sa­ger qui an­non­ce le retour au pays : « Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut ». Non seulement le peuple est sauvé, mais la ville elle-même va l’être, elle sera rebâtie par ceux qui reviennent. C’est pour cela que les rui­nes de Jérusalem sont invitées à écla­ter en cris de joie.

À l’époque on considérait que les défaites d’un peuple étaient aussi celles de son Dieu. Mais voici que le peuple est délivré, son Dieu a fait preuve de sa puissance, il « a montré la force de son bras » comme dit Isaïe. C’est pour cela que le messager vient dire à la ville sainte : « Il est roi, ton Dieu ».

Une fois de plus, Dieu a délivré son peuple comme il l’avait libéré d’Égypte, « à main for­te et à bras éten­du », comme disait le livre de l’Exode (Ex 15). Et, juste derrière le messager, le guetteur voit dé­jà le cor­tè­ge tri­om­phal ; et du haut des rem­parts, que voit-il ? Qui est en tê­te du cor­tè­ge tri­om­phal du re­tour ? Le Sei­gneur lui-mê­me !  Le Sei­gneur re­vient à Sion. Il mar­che au mi­lieu de son peu­ple et dés­or­mais, il se­ra de nou­veau là, à Jé­ru­sa­lem, au mi­lieu de son peu­ple.

Pour dire cette action de Dieu, Isaïe emploie un mot très fort, le mot « racheter ». Dans le lan­ga­ge bi­bli­que,  ce mot  « ra­che­ter »  si­gni­fie  « li­bé­rer » : vous connais­sez l'institution du « Go'el » : lorsqu'un Is­raé­li­te a été obli­gé de se ven­dre com­me es­cla­ve ou de ven­dre sa mai­son à son créan­cier pour payer ses det­tes, son plus pro­che pa­rent se pré­sen­te­ra au créan­cier pour li­bé­rer son pa­rent dé­bi­teur. On di­ra qu'il « ra­chè­te » son pa­rent, qu’il le « re­ven­di­que »... Bien sûr le créancier ne laissera pas partir son débiteur s’il n’est pas remboursé, mais cet aspect financier n’est pas premier dans l’opération. Ce qui est premier, c’est la libération du débiteur. Isaïe a eu l’audace d’appliquer ce mot de « Go’el » à Dieu : manière de dire à la fois qu’il est le plus pro­che pa­rent de son peuple et qu’Il le li­bè­re.

Autre phrase significative de ce texte et qui traduit une avancée très importante de la pensée juive pendant l’Exil à Babylone : c’est à ce moment-là qu’Is­raël a découvert l’amour de Dieu pour toute l’humanité et pas seulement pour son peuple. Il a compris que son « élec­tion » est une mission au service du sa­lut de tou­te l'humanité. C’est ce qui explique la phrase :

« Le SEIGNEUR a mon­tré la sainteté de son bras aux yeux de tou­tes les na­tions. Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu. » : c’est-à-dire, bientôt, elles reconnaîtront que Dieu est sauveur.     

En relisant ce texte à l’occasion du la fête de Noël, évidemment, cette prédication d’Isaïe prend un sens nouveau ; plus que jamais, nous pouvons dire : « Le SEIGNEUR a mon­tré la sainteté de son bras aux yeux de tou­tes les na­tions. Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu. » Notre mission, désormais, c’est d’être ces messagers qui annoncent la paix, ces mes­sa­gers de la bon­ne nou­vel­le, qui an­non­cent le sa­lut, ce­ux qui viennent di­re non seulement à la ci­té sain­te mais au monde entier : « Il est roi, ton Dieu » !

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PSAUME 97 (98) , 1-6

 

            1          Chantez au SEIGNEUR un chant nouveau,
                        car il a fait des merveilles ;    
                        par son bras très saint, par sa main puissante,          
                        il s'est assuré la victoire.

            2          Le SEIGNEUR a fait connaître sa victoire  
                        et révélé sa justice aux nations ;        
            3          il s'est rappelé sa fidélité, son amour,           
                        en faveur de la maison d'Israël.

                        La terre tout entière a vu       
                        la victoire de notre Dieu.      
            4          Acclamez le SEIGNEUR, terre entière.       
                        son­nez, chan­tez, jouez !          

            5          Jouez pour le SEIGNEUR sur la ci­tha­re,     
                        sur la ci­tha­re et tous les in­stru­ments ;
            6          au son de la trom­pet­te et du cor 1,    
                        ac­cla­mez vo­tre roi, le SEIGNEUR !

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 « La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu » : c’est le peuple d’Israël qui parle ici et qui dit « notre » Dieu, affichant ainsi la relation tout-à-fait privilégiée qui existe entre ce petit peuple et le Dieu de l’univers ; mais Israël a peu à peu compris que sa mission dans le monde est précisément de ne pas garder jalousement pour lui cette relation privilégiée mais d’annoncer l’amour de Dieu pour tous les hommes, afin d’intégrer peu à peu l’humanité tout entière dans l’Alliance.

Ce psaume dit très bien ce que l’on pourrait appeler « les deux amours de Dieu » : son amour pour son peuple choisi, élu, Israël... ET son amour pour l’humanité tout entière, ce que le psalmiste appelle les « nations » ... Relisons le verset 2 : « Le SEIGNEUR a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations » : les « nations », ce sont tous les autres, les païens, ceux qui ne font pas partie du peuple élu.  Mais vient aussitôt le verset 3 : « Il s’est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d’Israël », ce qui est l’expression consacrée pour rappeler ce qu’on appelle « l’élection d’Israël ». Derrière cette toute petite phrase, il faut deviner tout le poids d’histoire, tout le poids du passé : les simples mots « sa fidélité », « son amour » sont le rappel vibrant de l’Alliance : c’est par ces mots-là que, dans le désert,  Dieu s’est fait connaître au peuple qu’il a choisi. « Dieu d’amour et de fidélité ». Cette phrase veut  dire : oui, Israël est bien le peuple choisi, le peuple élu ; mais la phrase d’avant, et ce n’est peut-être pas un hasard si elle est placée avant, cette phrase qui parle des nations, rappelle bien que si Israël est choisi, ce n’est pas pour en jouir égoïstement, pour se considérer comme fils unique, mais pour se comporter en frère aîné. Comme disait André Chouraqui, « le peuple de l’Alliance est destiné devenir l’instrument de l’Alliance des peuples ».

            Un des grands acquis de la Bible, c’est que Dieu aime toute l’humanité, et pas seulement Israël. Dans ce psaume, cette certitude marque la composition même du texte ; si on regarde d’un peu plus près la construction de ces quelques versets, on remarque la disposition en « inclusion » de ces deux  versets  2 et 3 : l’inclusion est un procédé de style qu’on trouve souvent dans la Bible. Une inclusion, c’est un peu comme un encadré, dans un journal ou dans une revue ; bien évidemment le but est de mettre en valeur le texte écrit dans le cadre.

Dans une inclusion, c’est la même chose : le texte central est mis en valeur, « encadré » par deux phrases identiques, une avant, l’autre après... Ici, la phrase centrale, qui parle d’Israël, est encadrée par deux phrases synonymes qui parlent des nations : « Le SEIGNEUR a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations », voilà la première phrase donc, sur les nations ... la deuxième phrase, elle, concerne Israël : « il s’est rappelé sa fidélité, son amour en faveur de la maison d’Israël »... et voici la troisième phrase : « la terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu ». Le mot « nations » ne figure pas ici, mais il est remplacé par l’expression « la terre tout entière ». La phrase centrale sur ce qu’on appelle «  l’élection d’Israël » est donc encadrée par deux phrases sur l’humanité tout entière. L’élection d’Israël est centrale mais on n’oublie pas qu’elle doit rayonner sur l’humanité tout entière et cette construction le manifeste bien.

            Et quand le peuple d’Israël, au cours de la fête des Tentes à Jérusalem, acclame Dieu comme roi, ce peuple sait bien qu’il le fait déjà au nom de l’humanité tout entière ; en chantant cela, on imagine déjà (parce qu’on sait qu’il viendra) le jour où Dieu sera vraiment le roi de toute la terre, c’est-à-dire reconnu par toute la terre.

            La première dimension de ce psaume, très importante, c’est donc l’insistance sur ce « les deux amours de Dieu », pour son peuple choisi, d’une part, et pour toute l’humanité, d’autre part. Une deuxième dimension de ce psaume est la proclamation très appuyée de la royauté de Dieu.

            Par exemple, on chante au Temple de Jérusalem « Acclamez le SEIGNEUR, terre entière, acclamez votre roi, le SEIGNEUR » Mais dire « on chante », c’est trop faible ; en fait, par le vocabulaire employé en hébreu, ce psaume est un cri de victoire, le cri que l’on pousse sur le champ de bataille après la victoire, la « terouah » en l’honneur du vainqueur. Le mot de victoire revient trois fois dans les premiers versets. « Par son bras très saint, par sa main puissante, il s’est assuré la victoire » ... « Le SEIGNEUR a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations »... « La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu ».

            La victoire de Dieu dont on parle ici est double : c’est d’abord la victoire de la libération d’Égypte ; la mention « par son bras très saint, par sa main puissante » est une allusion au premier exploit de Dieu en faveur des fils d’Israël, la traversée miraculeuse de la mer qui les séparait définitivement de l’Égypte, leur terre de servitude. L’expression « Le SEIGNEUR t’a fait sortir de là d’une main forte et le bras étendu » (Dt 5, 15) était devenue la formule-type de la libération d’Égypte ; on la retrouve par exemple dans le livre du Deutéronome et dans les psaumes. La formule « il a fait des merveilles » est aussi un rappel de la libération d’Égypte.

            Mais quand on chante la victoire de Dieu, on chante également la victoire attendue pour la fin des temps, la victoire définitive de Dieu contre toutes les forces du mal. Et déjà on acclame Dieu comme jadis on acclamait le nouveau roi le jour de son sacre en poussant des cris de victoire au son des trompettes, des cornes et dans les applaudissements de la foule. Mais alors qu’avec les rois de la terre, on allait toujours vers une déception, cette fois, on sait qu’on ne sera pas déçus ; raison de plus pour que cette fois la « terouah » soit particulièrement vibrante !

            Désormais les Chrétiens acclament Dieu avec encore plus de vigueur parce qu’ils ont vu de leurs yeux le roi du monde : depuis l’Incarnation du Fils, ils savent et ils affirment (envers et contre tous les événements apparemment contraires), que le Règne de Dieu, c’est-à-dire de l’amour est déjà commencé.

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Note

1 - Les in­stru­ments de mu­si­que : c'est par les psau­mes, et en par­ti­cu­lier le Ps 150 que l'on connaît les in­stru­ments de mu­si­que de l'époque. Ici dé­jà, en voi­ci 3 énu­mé­rés : ci­tha­re, trom­pet­te et cor.

Complément : Devant la Crèche, on ne peut pas s’empêcher de penser que, pour l'instant la for­ce di­vi­ne du bras de Dieu qui li­bè­re son peu­ple re­po­se dans deux pe­ti­tes mains d'enfant.

DEUXIÈME LECTURE – Lettre aux Hébreux  1, 1-6

 

1            À bien des reprises
              et de bien des manières,
              Dieu, dans le passé,
              a parlé à nos pères par les prophètes ;
2            mais à la fin, en ces jours où nous sommes,
              il nous a parlé par son Fils
              qu’il a établi héritier de toutes choses
              et par qui il a créé les mondes.
3            Rayonnement de la gloire de Dieu,
              expression parfaite de son être,
              le Fils, qui porte l’univers
              par sa parole puissante,
              après avoir accompli la purification des péchés,
              s’est assis à la droite de la Majesté divine
              dans les hauteurs des cieux ;
4            et il est devenu bien supérieur aux anges,
              dans la mesure même où il a reçu en héritage
              un nom si différent du leur.
5            En effet, Dieu déclara-t-il jamais à un ange :
              « Tu es mon Fils,
 moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ? »
              Ou bien encore :
              « Moi, je serai pour lui un père,
 et lui sera pour moi un fils ? »
6            À l’inverse, au moment d’introduire le Premier-né
              dans le monde à venir,
              il dit :
              « Que se prosternent devant lui
 tous les anges de Dieu. »

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 « Dieu a par­lé à nos pè­res par les pro­phè­tes » ; à travers cette phrase on devine que les destinataires de la lettre aux Hébreux sont des Juifs de­ve­nus chré­tiens. L’une des caractéristiques d’Israël, c’est bien cette conviction que Dieu s’est révélé progressivement à ce peuple qu’il a choisi. Parce que Dieu n’est pas à la portée de l’homme, il faut bien qu’il se révèle lui-même. Vous connaissez la fameuse phrase de Paul dans la lettre aux Éphésiens : « Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté... » Sous-entendu, nous ne l’aurions pas trouvé tout seuls. Et cette révélation ne pouvait être que progressive, tout comme l’éducation d’un enfant ne se fait pas en un jour. Au contraire, les pa­rents dis­ent à leur en­fant pro­gres­si­ve­ment, au fur et à me­su­re du dé­ve­lop­pe­ment de son in­tel­li­gen­ce, ce dont il a be­soin pour com­pren­dre le mon­de et la so­cié­té dans la­quel­le il vit. C’est exactement comme cela que Moïse explique la pédagogie de Dieu dans le livre du Deutéronome : « Tu reconnais à la réflexion que ton Dieu faisait ton éducation comme un homme fait celle de son fils » (Dt 8, 5).

Pour cette éducation progressive de son peuple, Dieu a sus­ci­té, à cha­que épo­que, des pro­phè­tes qui par­laient de sa part, dans des ter­mes qui cor­res­pon­daient à la men­ta­li­té de l'époque. On dis­ait qu'ils  étaient la « bou­che de Dieu ». Comme dit l’une des phrases de notre liturgie : « Tu les as formés par les prophètes dans l’espérance du salut. » (Prière Eucharistique N° IV). Parce que Dieu utilise avec son peuple cette pédagogie très progressive, il lui parle « sous des for­mes frag­men­tai­res et va­riées », comme dit l’auteur de la lettre.

Quand l’auteur de la lettre aux Hébreux prend la plume, ce salut est arrivé : c’est pour cela qu’il coupe l’histoire de l’hu­ma­ni­té en deux pé­rio­des : avant Jé­sus-Christ et de­puis Jé­sus-Christ. Avant Jésus-Christ, c’est ce qu’il appelle le passé ; depuis Jésus-Christ, c’est ce qu’il appelle « les derniers temps où nous sommes », c’est le temps de l’accomplissement. En Jé­sus-Christ, le mon­de nou­veau est dé­jà in­au­gu­ré. Le Christ est en lui-mê­me l’accomplissement du pro­jet de Dieu, du « des­sein bien­veillant ».

Après l’éblouissement et la stupeur de la résurrection du Christ, la conviction des premiers Chrétiens s’est forgée peu à peu : oui, Jésus de Nazareth est bien le Messie que le peuple juif attendait, mais il est bien différent de l’idée qu’on s’en était faite à l’avance. L’ensemble du Nouveau Testament médite cette découverte étonnante. Certains at­ten­daient un Mes­sie-roi, d’autres, un Mes­sie-pro­phè­te, d’autres, un Mes­sie-prê­tre. L’auteur de la lettre aux Hébreux, dans le passage d’aujourd’hui, nous dit : Eh bien, mes frères, Jé­sus est bien tout ce­la.

Je vous pro­po­se donc une re­mar­que sur cha­cun de ces trois points : Jésus est le Mes­sie-pro­phè­te qu’on attendait, il est le Mes­sie-prê­tre, il est le Mes­sie-Roi.

Pour commencer, Il est le Mes­sie - pro­phè­te : l’auteur nous dit : « Dieu nous a par­lé par ce Fils » : Jé­sus est bien le pro­phè­te par ex­cel­len­ce ; si les prophètes de l’Ancien Testament étaient la « bou­che de Dieu », lui, il est la Pa­ro­le mê­me de Dieu, la Pa­ro­le créa­tri­ce « par qui Dieu a créé les mon­des » (v. 2). Mieux en­co­re, il est le « re­flet res­plen­dis­sant de la gloi­re du Pè­re » (v. 3)1 ; il di­ra lui-mê­me « qui m’a vu a vu le Pè­re » (il est l’expression par­fai­te de l’être de Dieu).

Ensuite, Il est le Mes­sie - prê­tre : C’était le rô­le du grand-prê­tre d’être l’intermédiaire en­tre Dieu et le peu­ple pé­cheur ; or, en vi­vant une re­la­tion d’amour par­fai­te avec son Pè­re, une vé­ri­ta­ble re­la­tion fi­lia­le, Jé­sus-Christ res­tau­re l’Alliance en­tre Dieu et l’humanité. Il est donc le grand-prê­tre par ex­cel­len­ce, qui ac­com­plit la « pu­ri­fi­ca­tion  des pé­chés » : cet­te « pu­ri­fi­ca­tion des pé­chés », (l’auteur re­vien­dra lon­gue­ment sur ce thè­me dans la suite de sa lettre), Jé­sus l’a opé­rée en vi­vant tou­te sa vie dans une relation parfaitement filiale, com­me un par­fait dia­lo­gue d’amour et « d’obéissance » avec son Pè­re.

Enfin, Il est le Mes­sie - roi : L’auteur lui ap­pli­que des ti­tres et des pro­phé­ties qui concer­naient le Mes­sie : on a là l’image du trô­ne royal, « il est as­sis à la droi­te de la Ma­jes­té di­vi­ne », et sur­tout il est ap­pe­lé « Fils de Dieu » : or c’était le ti­tre qui était confé­ré au nou­veau roi le jour de son sa­cre. « Tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai en­gen­dré », était l’une des phra­ses de la cé­ré­mo­nie du sa­cre (re­pri­se par le psau­me 2). Et le prophète Natan avait annoncé : « Je serai pour lui un Père et il sera pour moi un fils. » (2 S 7, 14). Et, à la différence des rois de la terre, lui, Il est roi sur tou­te la créa­tion, mê­me les An­ges : l’auteur nous dit  « il est placé bien au-des­sus des An­ges, il a re­çu en hé­ri­tage un Nom bien plus grand que les leurs »  (v. 4). Et lorsqu’il dit « Au mo­ment d'introduire le Pre­mier-né dans le mon­de à ve­nir, Dieu dit : Que tous les an­ges de Dieu se pro­ster­nent de­vant lui », l’auteur annonce que le Christ est Dieu lui-même ! Puisque Dieu seul a droit à l’adoration des Anges.  

Prê­tre, pro­phè­te  et roi, Jé­sus l’est donc, c’est pour­quoi on peut l’appeler Christ qui veut di­re « Mes­sie » ; mais  ce tex­te nous ré­vè­le en mê­me temps no­tre pro­pre gran­deur puis­que no­tre vo­ca­tion est d’être in­ti­me­ment unis à Jé­sus-Christ, de de­ve­nir à no­tre tour les re­flets de la gloi­re du Pè­re... d’être à no­tre tour ap­pe­lés Fils... d’être rois en lui... prê­tres en lui... pro­phè­tes en lui. Au jour de notre baptême, le prêtre nous a annoncé que, désormais, nous étions membres du Christ, Prêtre, Prophète et Roi.

Et si ce pas­sa­ge nous est pro­po­sé dès le jour de Noël, c’est pour que nous sa­chions dé­jà dé­chif­frer le mys­tè­re de la crè­che à cet­te pro­fon­deur-là. L’enfant qui nous est don­né à contem­pler est por­teur de tout ce mys­tè­re-là et nous en lui, par lui et avec lui.       

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Note sur Hébreux 1,3

Dans l’expression « Rayonnement de la gloire de Dieu », on peut entendre un écho de l’épisode de la Transfiguration de Jésus.

Compléments

On a longtemps cru que la lettre aux Hébreux était de saint Paul. Aujourd’hui, on dit souvent par manière de boutade : « Ce n’est pas une lettre, elle n’est pas de saint Paul, elle ne s’adresse pas aux Hébreux. » Le mot « Hébreux », dans cet écrit, désigne probablement d’anciens Juifs devenus chrétiens. Cela expliquerait ses allusions très fréquentes aux textes bibliques et aux pratiques juives.

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Note sur Hébreux 1,3

Dans l’expression « Rayonnement de la gloire de Dieu », on peut entendre un écho de l’épisode de la Transfiguration de Jésus.

Compléments

On a longtemps cru que la lettre aux Hébreux était de saint Paul. Aujourd’hui, on dit souvent par manière de boutade : « Ce n’est pas une lettre, elle n’est pas de saint Paul, elle ne s’adresse pas aux Hébreux. » Le mot « Hébreux », dans cet écrit, désigne probablement d’anciens Juifs devenus chrétiens. Cela expliquerait ses allusions très fréquentes aux textes bibliques et aux pratiques juives.

ÉVANGILE de Jésus Christ selon saint Jean  1, 1-18

 

1            Au commencement était le Verbe,
              et le Verbe était auprès de Dieu,
              et le Verbe était Dieu.
2            Il était au commencement auprès de Dieu.
3            C’est par lui que tout est venu à l’existence,
              et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.
4            En lui était la vie,
              et la vie était la lumière des hommes ;
5            la lumière brille dans les ténèbres,
              et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.
6            Il y eut un homme envoyé par Dieu ;
              son nom était Jean.
7            Il est venu comme témoin,
              pour rendre témoignage à la Lumière,
              afin que tous croient par lui.
8            Cet homme n’était pas la Lumière,
              mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.
9            Le Verbe était la vraie Lumière,
              qui éclaire tout homme
              en venant dans le monde.
10          Il était dans le monde,
              et le monde était venu par lui à l’existence,
              mais le monde ne l’a pas reconnu.
11          Il est venu chez lui,
              et les siens ne l’ont pas reçu.
12          Mais à tous ceux qui l’ont reçu,
              il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu,
              eux qui croient en son nom.
13          Ils ne sont pas nés du sang,
              ni d’une volonté charnelle,
              ni d’une volonté d’homme :
              ils sont nés de Dieu.
14          Et le Verbe s’est fait chair,
              il a habité parmi nous,
              et nous avons vu sa gloire,
              la gloire qu’il tient de son Père
              comme Fils unique,
              plein de grâce et de vérité.
15          Jean le Baptiste lui rend témoignage en proclamant :
              « C’est de lui que j’ai dit :
              Celui qui vient derrière moi
              est passé devant moi,
              car avant moi il était. »
16          Tous, nous avons eu part à sa plénitude,
              nous avons reçu grâce après grâce ;
17          car la Loi fut donnée par Moïse,
              la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.
18          Dieu, personne ne l’a jamais vu ;
              le Fils unique, lui qui est Dieu,
              lui qui est dans le sein du Père,
              c’est lui qui l’a fait connaître.

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 « Au com­men­ce­ment » : Jean re­prend vo­lon­tai­re­ment le pre­mier mot de la Ge­nè­se (« Be­res­hit ») ; il faut en­ten­dre la pro­fon­deur de ce mot : ce n'est pas une pré­ci­sion d'ordre chro­no­lo­gi­que !  Ce qui com­men­ce, c'est ce qui com­man­de tou­te l'histoire hu­mai­ne, c'est l'origine, le fon­de­ment de tou­tes cho­ses ...

« Au com­men­ce­ment était le VER­BE » : tout est mis sous le si­gne de la Pa­role, Pa­role d'Amour, Dia­lo­gue... Voi­là l'O­ri­gine, le com­men­ce­ment de tou­tes cho­ses... « Et le Ver­be était au com­men­ce­ment au­près de Dieu » (v. 2-3) : en grec c'est « pros ton Théon »qui veut di­re  lit­té­ra­le­ment « tour­né vers Dieu » ; le Ver­be était tour­né vers Dieu...  C'est l'attitude du dia­lo­gue. Quand on dit « Je t'aime », ou quand on dia­lo­gue vrai­ment avec quelqu'un, on lui fait fa­ce ; on est « tour­né vers lui » ; quand on lui tour­ne le dos, qu'on se dé­tour­ne, le dia­lo­gue est rom­pu ; et il fau­dra fai­re de­mi-tour pour re­nouer le dia­lo­gue.

 Ce que saint Jean nous dit ici est ca­pi­tal : la Créa­tion tout en­tiè­re, puis­que rien n'a été fait sans le Ver­be, (la Créa­tion tout en­tiè­re) est le fruit du dia­lo­gue d'amour du Pè­re et du Fils ; et nous, à no­tre tour, nous som­mes créés dans ce dia­lo­gue et pour ce dia­lo­gue. (Nous sommes le fruit d’un dialogue d’amour. Bien sûr, c’est vrai concrètement au niveau de l’acte qui nous a engendrés chacun à la vie. Mais, spirituellement, nous pouvons nous dire que nous sommes le fruit de l’amour de Dieu.)

La vo­ca­tion de l'humanité, d'Adam, pour re­pren­dre le mot de la Ge­nè­se, c'est de vi­vre un par­fait dia­lo­gue d'amour avec le Pè­re. Mais tou­te no­tre his­toi­re hu­mai­ne, mal­heu­reu­se­ment, éta­le le contrai­re. Le ré­cit de la chu­te d'Adam et Eve, au deuxiè­me cha­pi­tre de la Ge­nè­se, nous le dit à sa ma­niè­re : il mon­tre bien que le dia­lo­gue est rom­pu ; l'homme et la fem­me se sont mé­fiés de Dieu, ont soup­çon­né Dieu d'être mal in­ten­tion­né à leur égard ; c'est le contrai­re mê­me du dia­lo­gue d'amour ! Nous le sa­vons bien : quand le soup­çon tra­ver­se nos re­la­tions, le dia­lo­gue est em­poi­son­né. Et, dans no­tre vie per­son­nel­le, tou­te l'histoire de no­tre re­la­tion à Dieu pour­rait être re­pré­sen­tée com­me cela : nous sommes tan­tôt tour­nés vers lui, tan­tôt dé­tour­nés et il nous faut alors fai­re de­mi-tour pour qu'il puis­se re­nouer le dia­lo­gue... « De­mi-tour », c'est exac­te­ment le sens du mot « conver­sion » dans la Bi­ble.

Le Christ, lui, vit en per­fec­tion ce dia­lo­gue sans om­bre avec le Pè­re : il vient pren­dre la tê­te de l'humanité ; j'ai en­vie de di­re : il est le « OUI » de l'humanité au Pè­re. Il vient vi­vre ce « OUI » au quo­ti­dien ; et alors, par lui, nous som­mes ré­in­tro­duits dans le dia­lo­gue pri­mor­dial : « Tous ceux qui l'ont re­çu, ceux qui croient en son nom, il leur a don­né de pou­voir de­ve­nir en­fants de Dieu. » C'est-à-di­re de re­tro­u­ver cet­te re­la­tion fi­lia­le, confian­te, sans om­bre. Et son seul but, c'est que l'humanité tout en­tiè­re puis­se ren­tre dans ce dia­lo­gue d'amour ; « ceux qui croient en son nom », ce sont ceux qui lui font confiance, qui marchent à sa suite. « Afin que le mon­de croie » : c'est le sou­hait ardent de Jé­sus : « Que tous soient Un comme toi, Père, tu es en moi, et que je suis en toi, qu’ils soient en nous, eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17, 21). Je re­prends une phra­se de Kier­ke­gaard :  « Le contrai­re du pé­ché, ce n'est pas la ver­tu, le contrai­re du pé­ché, c'est la foi ».

« Croi­re », c'est fai­re confian­ce au Pè­re, sa­voir en tou­tes cir­con­stan­ces, quoi qu'il nous ar­ri­ve, que Dieu est bien­veillant, ne ja­mais soup­çon­ner Dieu, ne jamais dou­ter de l'amour de Dieu pour nous et pour le mon­de... et du coup, bien sûr, re­gar­der le mon­de avec ses yeux. 

Re­gar­der le mon­de avec les yeux de Dieu : « Le Ver­be s'est fait chair », ce­la veut di­re que Dieu est par­mi nous ; qu'il n'y a pas be­soin de s'évader du mon­de pour ren­con­trer Dieu. C'est dans la  « chair » mê­me, dans la ré­a­li­té du mon­de que nous li­sons sa Pré­sen­ce. Com­me Jean-Bap­tis­te, à no­tre tour, nous som­mes en­voyés com­me té­moins de cet­te Pré­sen­ce.

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24 décembre 2016 6 24 /12 /décembre /2016 00:00

PREMIÈRE  LECTURE -  Isaïe 9, 1-6

 

9, 1       Le peuple qui marchait dans les ténèbres
             a vu se lever une grande lumière ;
             sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre
             une lumière a resplendi.
    2       Tu as prodigué l'allégresse,
             tu as fait grandir la joie :
             ils se réjouissent devant toi
             comme on se réjouit
             en faisant la moisson,
             comme on exulte
             en partageant les dépouilles des vaincus.
    3       Car le joug qui pesait sur eux,
             le bâton qui meurtrissait leurs épaules,
             le fouet du chef de corvée,
             tu les as brisés
             comme au jour de la victoire sur Madiane.
    4       Toutes les chaussures des soldats
             qui piétinaient bruyamment le sol,
             tous les manteaux couverts de sang,
             les voilà brulés :
             le feu les a dévorés.
    5       Oui ! Un enfant nous est né,
             un fils nous a été donné ;
             l’insigne du pouvoir est sur son épaule ;
             on proclame son nom :
             « Merveilleux-conseiller, Dieu-fort,
             Père-à-jamais, Prince-de la paix. »
    6       Ainsi le pouvoir s’étendra,
             la paix sera sans fin
             pour David et pour son royaume.
             Il sera solidement établi
             sur le droit et la justice
             dès maintenant et pour toujours.
             Voilà ce que fait
             l’amour invincible du SEI­GNEUR de l’univers.

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         Les spécialistes ne savent pas très bien dater ce texte : a-t-il été écrit à l’époque même des événements dont il parle ? Ou beaucoup plus tard ? En revanche, on sait très bien deux choses : 1) à quelle situation politique ce texte fait référence (même si, peut-être, il a été écrit longtemps après)... 2) le sens même de cette parole prophétique, c’est-à-dire « qui vient de Dieu » : il s’agit de raviver l’espérance du peuple.

         À l’époque dont il est question, le royaume d’Israël est divisé en deux : vous vous souvenez que David puis Salomon ont été rois de tout le peuple d’Israël ; mais, dès la mort de Salomon, en 933 av.J.C., l’unité a été rompue, (on parle du schisme d’Israël);  et il y a eu deux royaumes bien distincts et même parfois en guerre l’un contre l’autre : au Nord, il s’appelle Israël, c’est lui qui porte le nom du peuple élu ; sa capitale est Samarie ; au Sud, il s’appelle Juda, et sa capitale est Jérusalem. C’est lui qui est véritablement le royaume légitime : car c’est la descendance de David sur le trône de Jérusalem qui est porteuse des promesses de Dieu.

         Isaïe prêche dans le royaume du Sud, mais, curieusement, tous les lieux qui sont cités ici appartiennent au royaume du Nord : « Le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali... il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain et la Galilée... comme au jour de la victoire sur Madiane » : Zabulon, Nephtali, la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, la Galilée, Madiane, ce sont six noms de lieux qui sont au Nord ; Zabulon et Nephtali : ce sont deux des douze tribus d’Israël ; et leur territoire correspond à la Galilée, à l’Ouest du lac de Tibériade ; on est bien au Nord de la Palestine. La route de la mer, comme son nom l’indique, c’est la plaine côtière à l’Ouest de la Galilée ; enfin, ce qu’Isaïe appelle le pays au-delà du Jourdain, c’est la Transjordanie.

         Ces précisions géographiques permettent d’émettre des hypothèses sur les événements historiques auxquels Isaïe fait allusion ; car ces trois régions, la Galilée, la Transjordanie et la plaine côtière, ont eu un sort particulier pendant une toute petite tranche d’histoire, entre 732 et 721 av. J.-C. On sait qu’à cette époque-là la puissance montante dans la région est l’empire assyrien dont la capitale est Ninive. Or ces trois régions-là ont été les premières annexées par le roi d’Assyrie, Tiglath-Pilézer III, en 732. Puis, en 721, c’est la totalité du royaume de Samarie qui a été annexée (y compris la ville même de Samarie), avant que l’empereur de Babylone ne prenne à son tour le contrôle de la région. 

         C’est donc très certainement à cette tranche d’histoire qu’Isaïe fait référence. Certains pensent même que l’expression  « Le peuple qui marchait dans les ténèbres » est une allusion aux colonnes des déportés : humiliés, souvent les yeux crevés par le vainqueur, ils étaient physiquement et moralement dans les ténèbres !

         C’est à ces trois régions précisément qu’Isaïe promet un renversement radical de situation : « Dans un premier temps, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée, carrefour des païens ».

         Il reste qu’Isaïe prêche à Jérusalem ; et on peut évidemment se demander en quoi ce genre de promesses au sujet du royaume du Nord peut intéresser le royaume du Sud.

         On peut répondre que le royaume du Sud n’est pas indifférent à ce qui se passe au Nord, au moins pour deux raisons : d’abord, étant donné leur proximité géographique, les menaces qui pèsent sur l’un, pèseront tôt ou tard sur l’autre : quand l’empire assyrien prend possession du Nord, le Sud a tout à craindre. D’autre part, le royaume du Sud interprète le schisme comme un déchirure dans une robe qui aurait dû rester sans couture : il espère toujours une réunification, sous sa houlette, bien sûr.

         Or, justement, ces promesses de relèvement du royaume du Nord résonnent à ce niveau : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur les habitants du pays de l’ombre une lumière a resplendi », voilà deux phrases qui faisaient partie du rituel du sacre de chaque nouveau roi. Traditionnellement, l’avènement d’un nouveau roi est comparé à un lever de soleil, car on compte bien qu’il rétablira la grandeur de la dynastie.

         C’est donc d’un sacre royal qu’il est question. Et ce nouveau roi assurera à la fois la sécurité du royaume du Sud et la réunification des deux royaumes.

         Et effectivement, un peu plus bas, Isaïe l’exprime en toutes lettres : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné... et il conclut « il sera le prince de la paix » ; le sens de la prophétie est clair : ce qui est sûr, aux yeux d’Isaïe, c’est que Dieu ne laissera pas indéfiniment son peuple en esclavage. Pourquoi cette assurance qui défie toutes les évidences de la réalité ? Simplement parce que Dieu ne peut pas se renier lui-même, comme dira plus tard Saint Paul : Dieu veut libérer son peuple contre toutes les servitudes de toute sorte. Cela, c’est la certitude de la foi.

         Cette certitude s’appuie sur la mémoire : Moïse y avait insisté souvent : « Garde-toi d’oublier ce que le SEI­GNEUR a fait pour toi » : parce que si nous perdons cette mémoire-là, nous sommes perdus ; rappelez-vous encore le même Isaïe disant au roi Achaz : « Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas » ; à chaque époque d’épreuve, de ténèbres, la certitude du prophète que Dieu ne manquera pas à ses promesses lui dicte une prophétie de victoire.

         Une victoire qui sera « Comme au jour de la victoire sur Madiane » : une fameuse victoire de Gédéon sur les Madianites était restée célèbre : en pleine nuit, une poignée d’hommes, armés seulement de lumières, de trompettes et surtout de leur foi en Dieu avait mis en déroute le camp des Madianites.

         Le message d’Isaïe, c’est : « Ne crains pas. Dieu n’abandonnera jamais la dynastie de David ». On pourrait traduire pour aujourd’hui :  ne crains pas, petit troupeau : c’est la nuit qu’il faut croire à la lumière. Quelles que soient les ténèbres qui recouvrent le monde et la vie des hommes, et aussi la vie de nos communautés, réveillons notre espérance : Dieu n’abandonne pas son projet d’amour sur l’humanité. 

PSAUME  95 (96)

 

1      Chantez au SEI­GNEUR un chant nouveau,
        chantez au SEI­GNEUR, terre entière,
2      chantez au SEI­GNEUR et bénissez son nom !

        De jour en jour proclamez son salut,
3      racontez à tous les peuples sa gloire,      
        à toutes les nations, ses merveilles !

4      Il est grand, le SEI­GNEUR, hautement loué,        
        redoutable au-dessus de tous les dieux :
5      néant tous les dieux des nations !

        Lui, le SEI­GNEUR, a fait les cieux :
6      devant lui, splendeur et majesté,
        dans son sanctuaire, puissance et beauté.

7      Rendez au SEI­GNEUR, familles des peuples,      
        rendez au SEI­GNEUR la gloire et la puissance,
8      rendez au SEI­GNEUR la gloire de son nom.

        Apportez votre offrande, entrez dans ses parvis,
9      adorez le SEI­GNEUR, éblouissant de sainteté :    
        tremblez devant lui, terre entière.

10    Allez dire aux nations : « Le SEI­GNEUR est roi ! »         
        le monde, inébranlable, tient bon.          
        Il gouverne les peuples avec droiture.

11    Joie au ciel ! Exulte la terre !      
        Les masses de la mer mugissent,
12    la campagne tout entière est en fête.

        Les arbres des forêts dansent de joie
13    devant la face du SEI­GNEUR, car il vient,           
        car il vient pour juger la terre.

        Il jugera le monde avec justice,  
        et les peuples selon sa vérité !

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         C’est trop dommage de ne lire que quelques versets de ce merveilleux psaume 95/96 ; nous l’avons donc transcrit  en entier. Une espèce de frémissement, d’exaltation court sous tous ces versets. Pourquoi est-on tout vibrants ? Alors que, pourtant, on chante ce psaume dans le Temple de Jérusalem dans une période qui n’a rien d’exaltant ! Mais c’est la foi qui fait vibrer ce peuple, ou plutôt c’est l’espérance... qui est la joie de la foi... l’espérance qui permet d’affirmer avec certitude ce qu’on ne possède pas encore.

         Car on est  en pleine anticipation : le psaume nous transporte déjà à la fin du monde, en ce jour béni où tous les peuples sans exception reconnaîtront Dieu comme le seul Dieu. Le jour, où enfin l’humanité tout entière aura mis sa confiance en lui seul. Imaginons un peu cette scène que nous décrit le psaume : nous sommes à  Jérusalem... et plus précisément dans le Temple ; tous les peuples, toutes les nations, toutes les races se pressent aux abords du Temple, l’esplanade grouille de monde, les marches du parvis du Temple sont noires de monde, la ville de Jérusalem n’y suffit pas... aussi loin que porte le regard, les foules affluent... il en vient de partout, il en vient du bout du monde. Et toute cette foule immense chante à pleine gorge, c’est une symphonie ; que chantent-ils ? « Dieu règne ! » C’ est une clameur immense, superbe, gigantesque... Une clameur qui ressemble à l’ovation qu’on faisait à chaque nouveau roi le jour de son sacre, mais cette fois, ce n’est pas le peuple d’Israël qui acclame un roi de la terre, c’est l’humanité tout entière qui acclame le roi du monde : « Il est grand, le SEI­GNEUR, hautement loué, redoutable » (toutes ces expressions sont empruntées au vocabulaire de cour »).

         En fait, c’est beaucoup plus encore que l’humanité : la terre elle-même en tremble. Et voilà que les mers aussi entrent dans la symphonie : on dirait qu’elles mugissent. Et les campagnes entrent dans la fête, les arbres dansent. A-t-on déjà vu des arbres danser ? Et bien oui, ce jour-là ils dansent! Bien sûr, si on y réfléchit, c’est normal ! Les mers sont moins bêtes que les hommes ! Elles, elles savent qui les a faites, qui est leur créateur ! Elles mugissent pour Lui, elles l’acclament à leur manière. Les arbres des forêts, eux aussi, sont moins bêtes que les hommes : ils  savent reconnaître leur créateur : parmi des tas d’idoles, de faux dieux, pas d’erreur possible, les arbres ne s’y laissent pas prendre.

         Les hommes, eux, se sont laissé berner longtemps... Il suffit de se rappeler le combat des prophètes contre l’idolâtrie au long des siècles ! On entend ici cette même pointe contre l’idolâtrie « néant les dieux des nations ». Il est incroyable que les hommes aient mis si longtemps à reconnaître leur Céateur, leur Père... qu’il ait fallu leur redire cent fois cette évidence que le Seigneur est « redoutable au-dessus de tous les dieux » ; que « c’est LUI, le Seigneur, (sous-entendu « et personne d’autre ») qui a fait les cieux ».

         Mais cette fois c’est arrivé ! Et on vient à Jérusalem pour acclamer Dieu parce qu’enfin on a entendu la bonne nouvelle ; et si on a pu l’entendre c’est parce qu’elle était clamée à nos oreilles depuis des siècles ! Oui, « de jour en jour, Israël avait proclamé son salut »... de jour en jour Israël avait raconté l’œuvre de Dieu, ses merveilles, traduisez son œuvre incessante de libération... de jour en jour Israël avait témoigné que Dieu l’avait libéré de l’Égypte d’abord, puis de toutes les sortes d’esclavage : et le plus terrible des esclavages, c’est de se tromper de Dieu, c’est de mettre sa confiance dans de fausses valeurs, des faux dieux qui ne peuvent que décevoir, des idoles...

         Israël a cette chance immense, cet honneur inouï, ce bonheur de savoir et d’être chargé de dire que le SEI­GNEUR notre Dieu, l’Éternel  est le seul Dieu, est le Dieu UN ; comme le dit la profession de foi juive, le « shema Israël » : « Écoute Israël, le SEI­GNEUR ton Dieu est le SEI­GNEUR UN ». C’est le mystère de la vocation d’Israël dont on n’a pas fini de s’émerveiller ; comme le dit le livre du Deutéronome : « A toi, il t’a été donné de voir, pour que tu saches que c’est le SEI­GNEUR qui est Dieu : il n’y en a pas d’autre que lui. » Mais le peuple choisi n’a jamais oublié que s’il lui a été donné de voir, c’est pour qu’il le fasse savoir.

         Et alors, enfin, la bonne nouvelle a été entendue jusqu’aux extrémités de la terre... et tous se pressent pour entrer dans la Maison de leur Père. Nous sommes là en pleine anticipation ! En attendant que ce rêve se réalise, le peuple d’Israël fait retentir ce psaume pour renouveler sa foi et son espérance, pour puiser la force de faire entendre la bonne nouvelle dont il est chargé.

DEUXIÈME  LECTURE - Lettre de Paul à Tite  2, 11-14  (3, 4-7 pour la Messe de l'Aurore de Noël)

 

2, 11 La grâce de Dieu s'est manifestée    
         pour le salut de tous les hommes.
12     C'est elle qui nous apprend à rejeter le péché           
         et les passions d'ici-bas,        
         pour vivre dans le monde présent     
         en hommes raisonnables, justes et religieux,
13     et pour attendre le bonheur que nous espérons avoir           
         quand se manifestera
         la gloire de Jésus-Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur.
14     Car il s'est donné pour nous  
         afin de nous racheter de toutes nos fautes,  
         et de nous purifier      pour faire de nous son peuple,          
         un peuple ardent à faire le bien.
3, 4   Dieu, notre Sauveur,
         a manifesté sa bonté et sa tendresse pour tous les hommes ;
5     il nous a sauvés. Il l'a fait dans sa miséricorde, et non pas à cause d'actes méritoires que nous aurions accomplis par  nous-mêmes.  Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l'Esprit Saint.
6       Cet Esprit, Dieu l'a répandu sur nous avec abondance, par Jésus-Christ notre Sauveur ;
7       ainsi, par sa grâce, nous sommes devenus des justes, et nous possédons dans l'espérance l'héritage de la vie éternelle.

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         Les Crétois avaient très mauvaise réputation au temps de Paul ; c’est un poète local, Épiménide de Cnossos, au sixième siècle av.J.C. qui les traitait de « Crétois, perpétuels menteurs, bêtes méchantes, panses malfaisantes ». Et Paul, en le citant, le confirme en disant : « Ce témoignage est vrai » ! C’est pourtant de ces Crétois pleins de défauts que Paul a essayé de faire des Chrétiens. Apparemment, il a eu fort à faire. C’est au cours de son transfert à Rome que Paul a abordé en Crète et entrepris, là comme ailleurs, son œuvre d’évangélisation. Puis il a laissé à Tite, resté sur place, la mission d’organiser la communauté chrétienne toute neuve.1

         Cette lettre à Tite contient donc les conseils du fondateur de la communauté à celui qui en est désormais le responsable. Vous savez que, pour des raisons de style, de vocabulaire et même de vraisemblance chronologique, beaucoup de ceux qui connaissent bien les épîtres pauliniennes pensent que cette lettre à Tite (comme les deux lettres à Timothée, d’ailleurs) aurait été écrite seulement à la fin du premier siècle, c’est-à-dire trente ans environ après la mort de Paul, mais dans la fidélité à sa pensée et pour appuyer son œuvre.

         Dans l’incapacité de trancher, nous continuerons à parler de Paul comme s’il était l’auteur, puisque c’est le contenu de la lettre qui nous intéresse. Quelle que soit l’époque à laquelle cette lettre a été rédigée, il faut croire que les difficultés des Crétois persistaient ! A propos de contenu, cette lettre à Tite est particulièrement courte, trois pages seulement et nous lisons ici la fin du chapitre 2 (le début du chapitre 3 est en outre proposé à Noël pour la Messe de l’Aurore et l’ensemble de ces deux textes pour la Fête du Baptême du Seigneur, année C). Tout ce qui précède et ce qui suit cet ensemble consiste en recommandations extrêmement concrètes à l’intention des membres de la communauté, vieux et jeunes, hommes et femmes, maîtres et esclaves. Les responsables ne sont pas oubliés et si Paul insiste sur l’irréprochabilité qu’on doit exiger d’eux, il faut croire que cela n’allait pas de soi ! « Il faut que l’épiscope soit irréprochable en sa qualité d’intendant de Dieu : ni arrogant, ni buveur, ni batailleur, ni avide de gains honteux. Il doit être hospitalier, ami du bien, pondéré, juste, saint, maître de soi, fermement attaché à la Parole... » Une telle avalanche de conseils donne une idée des progrès qui restaient à faire : en général un bon pédagogue ne se hasarde pas à donner des conseils superflus...

         Ce qui est très intéressant pour nous, c’est l’articulation entre tous ces conseils d’ordre moral et le passage qui nous intéresse aujourd’hui et qui est au contraire un exposé théologique sur le mystère de la foi ; mais justement, pour Paul, l’un découle de l’autre ; c’est notre Baptême qui fait de nous des hommes nouveaux. Paul vient de donner toute sa série de conseils et il les justifie par la seule raison que « la grâce de Dieu s’est manifestée », comme il dit. D’ailleurs, pour qui a la curiosité d’aller vérifier dans sa Bible, on s’aperçoit que la lecture du Missel omet un mot très important. Dans la Bible, notre texte commence en réalité par le mot « CAR ». Ce qui donne : (Comportez-vous bien) « Car la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. »

         Cela veut dire que la morale chrétienne s’enracine dans l’événement qui est la charnière de l’histoire du monde : la naissance du Christ. Quand Paul dit « la grâce de Dieu s’est manifestée », il faut traduire « Dieu s’est fait homme ». Et désormais, c’est notre manière d’être hommes qui est transformée : « Par le bain du Baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. » (3, 5). Désormais la face du monde est changée, et donc aussi notre comportement. Encore faut-il nous prêter à cette transformation. Et le monde attend de nous ce témoignage. Il ne s’agit pas de mérites à acquérir (« Il l’a fait dans sa miséricorde, et non pas à cause d’actes méritoires que nous aurions accomplis par nous-mêmes. »), mais de témoignage à porter. Le mystère de l’Incarnation va jusque-là. Dieu veut le salut de toute l’humanité, pas seulement le nôtre ! « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. » Mais il attend notre collaboration pour cela.

         C’est donc la transformation de l’humanité tout entière qui est au programme, si l’on peut dire ; car le projet de Dieu, prévu de toute éternité, c’est de nous réunir tous autour de Jésus-Christ. Tellement serrés autour de lui que nous ne ferons qu’un avec lui. Réunir, c’est-à-dire surmonter nos divisions, nos rivalités, nos haines, pour faire de nous un seul homme ! Il y a encore du chemin à faire, c’est vrai ; tellement de chemin que les incroyants disent que « c’est une utopie » ; mais les croyants affirment « puisque c’est une promesse de Dieu, c’est une certitude ! » Paul dit bien : « Nous attendons le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus-Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur. » « Nous attendons », cela veut dire « c’est certain, tôt ou tard, cela viendra. »

         Au passage, nous reconnaissons là une phrase que le prêtre prononce à chaque Eucharistie, après le Notre Père : « Nous espérons le bonheur que tu promets et l’avènement de Jésus-Christ notre Sauveur ». Comme bien souvent, ce ET signifie « c’est-à-dire ». Il faut entendre « Nous espérons le bonheur que tu promets QUI EST l’avènement de Jésus-Christ notre Sauveur ». Ce n’est pas une manière de nous voiler la face sur les lenteurs de cette transformation du monde, c’est un acte de foi : nous osons affirmer que l’amour du Christ aura le dernier mot.

         Cette certitude, cette attente sont le moteur de toute liturgie : au cours de la célébration, les Chrétiens ne sont pas des gens tournés vers le passé mais déjà un seul homme debout tourné vers l’avenir. Quand viendra la fin du monde, le journaliste de service écrira : « Et ils se levèrent comme un seul homme. Et cet homme avait pour nom Jésus-Christ ».

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Note

1 - A propos de la naissance d’une communauté chrétienne en Crète, certains exégètes formulent une autre hypothèse : d’après les Actes des Apôtres, le bateau qui transportait Paul prisonnier en attente d’un jugement à Rome a fait escale dans un endroit appelé « Beaux Ports » au sud de l’île. Mais Luc ne parle pas de la naissance d’une communauté à cette occasion, et Tite ne faisait pas partie du voyage. On sait qu’après de nombreuses péripéties, ce voyage s’est terminé comme prévu à Rome où Paul a été emprisonné pendant deux ans dans des conditions très libérales : on pourrait parler plutôt de « résidence surveillée ». On suppose que cette captivité romaine s’est soldée par une remise en liberté. Paul aurait alors entrepris un quatrième voyage missionnaire, et c’est au cours de ce dernier voyage qu’il aurait évangélisé la Crète.

ÉVANGILE : Luc 2, 1 - 14

 

1           En ces jours-là,     
             parut un édit de l'empereur Auguste,      
             ordonnant de recenser toute la terre.
2           - Ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie.-
3           Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d'origine.
4           Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée,  
             pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem,    
             car il était de la maison et de la descendance de David.
5           Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse,           
             qui était enceinte.
6           Or, pendant qu'ils étaient là,        
             arrivèrent les jours où elle devait enfanter.
7           Elle mit au monde son fils premier-né ;   
             elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire,        
             car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
8           Dans les environs se trouvaient des bergers        
             qui passaient la nuit dans les champs       
             pour garder leurs troupeaux.
9           L'Ange du Seigneur s'approcha,  
             et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière.      
             Ils furent saisis d'une grande crainte,
10         mais l'ange leur dit :         
             « Ne craignez pas,
             car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle,          
             une grande joie pour tout le peuple :
11         Aujourd'hui vous est né un Sauveur,       
             dans la ville de David.     
             Il est le Messie, le Seigneur.
12         Et voilà le signe qui vous est donné :      
             vous trouverez un nouveau-né     
             emmailloté et couché dans une mangeoire. »
13         Et soudain, il y eut avec l'ange une troupe céleste innombrable,
             qui louait Dieu en disant :
14         « Gloire à Dieu au plus haut des cieux,   
             et paix sur la terre aux hommes qu'il aime. »

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         Lorsque le prophète Isaïe annonçait des temps meilleurs au roi Achaz, grâce à la naissance d’un futur roi, il lui disait « Voilà ce que fait l’amour invincible du SEI­GNEUR de l’univers. » (Is 9, 6). Cette phrase résonne en filigrane de tout l’évangile de Luc sur la naissance de Jésus.

         Car la nuit de Bethléem résonne d’une merveilleuse annonce : « Paix aux hommes que Dieu aime. » Encore faut-il ne pas l’entendre de travers : le texte ne signifie pas qu’il y a ceux que Dieu aime et les autres ! Il faut évidemment traduire : « Paix aux hommes parce que Dieu les aime. » Tout le projet de Dieu est dit là, une fois de plus. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique » (Jn 3, 16). Alors, bien sûr, nous n’avons rien à craindre : « Ne craignez pas », disent les anges aux bergers : que peut-on craindre d’un tout petit ? Et si Dieu, tout simplement, avait imaginé de naître sous les traits d’un nourrisson pour que nous quittions à tout jamais nos craintes spontanées à son égard ?

         Comme Isaïe, l’Ange annonce la naissance d’un roi : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. » Autrement dit, celui que tout le peuple attendait depuis des siècles, est enfin né. Car tout le monde avait en tête la prophétie de Nathan au roi David (2 S 7, voir au quatrième dimanche de l’Avent de l’Année A) : « Le SEI­GNEUR te fait savoir qu’il te fera lui-même une maison. Quand ta vie sera achevée et que tu reposeras auprès de tes pères, je te donnerai un successeur dans ta descendance, qui sera né de toi, et je rendrai stable sa royauté. » (2 S 7, 11). D’où l’importance des précisions données par Luc sur les origines du père de l’enfant : « Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David. » On savait aussi, à cause de la prophétie de Michée, que le Messie naîtrait à Bethléem : « Et toi, Bethléem Ephrata, trop petite pour compter parmi les clans de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël... Il se tiendra debout et fera paître son troupeau, par la puissance du Seigneur, par la majesté du Nom du SEI­GNEUR son Dieu... Lui-même il sera la paix. » (Mi 5, 1... 4).

         C’est donc bien une « bonne, une grande nouvelle » qu’annoncent les Anges aux bergers, et l’on comprend que les armées célestes chantent la gloire de Dieu. Mais le plus surprenant, ici, est le contraste entre la grandeur du destin promis au Messie et la petitesse de cet enfant né dans les circonstances les plus modestes. Pour l’instant, « la force divine du bras de Dieu » qui libère son peuple, dont parle Isaïe, repose dans deux petites mains d’enfant dans une famille pauvre, parmi tant d’autres ! Et c’est bien cela le plus étrange, peut-être : il n’y a rien de remarquable dans la pauvreté tout-à-fait ordinaire de la crèche ; mais justement, le signe de Dieu est là : c’est dans la banalité quotidienne, voire la pauvreté, que nous le rencontrons. C’est justement cela le mystère de l’Incarnation.

         Celui que la lettre aux Hébreux appelle  « l’héritier de toutes choses » naît parmi les pauvres ; celui que Saint Jean appelle « la lumière du monde » est né dans la pénombre d’une étable ; et celui qui est la Parole de Dieu créant le monde a dû être mis au monde comme toute créature et devra, comme tout un chacun, apprendre à parler. Pas étonnant que « les siens ne l’aient pas reconnu » ! Pas étonnant non plus que ce soient les pauvres et les petits qui aient le plus volontiers accueilli son message. Le « Miséricordieux », celui qui est attiré par toute pauvreté a tant pitié de la nôtre qu’en nous invitant à nous pencher sur ce berceau, il nous indique le meilleur moyen de lui ressembler. Ainsi nous est donné le pouvoir de « devenir enfants de Dieu ».

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Compléments

- « Premier-né » : en langage biblique, cela ne signifie pas qu’il y a eu d’autres enfants après, cela signifie qu’il n’y en a pas eu avant. C’est un terme juridique : le premier-né devait être consacré à Dieu.

- « Bethléem » signifie littéralement « maison du pain » ; le pain de vie est donné au monde.

- Les titres donnés à Jésus : l’empereur se faisait révérer comme Dieu et Sauveur ; en réalité, le seul qui puisse porter ces titres en vérité est le nouveau-né de Bethléem.

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18 décembre 2016 7 18 /12 /décembre /2016 00:00

Marie-Noëlle Thabut lit et commente l'intégralité des lectures du 4e dimanche de l´Avent, année A.
En marche vers dimanche du 16/12/2016.

PREMIÈRE LECTURE – Livre du prophète Isaïe  7, 10 - 16

 

              En ces jours-là,
10          le SEIGNEUR parla ainsi au roi Acaz :
11          « Demande pour toi un signe de la part du SEIGNEUR ton Dieu,
              au fond du séjour des morts
              ou sur les sommets, là-haut. »
12          Acaz répondit :
              « Non, je n’en demanderai pas,
              je ne mettrai pas le SEIGNEUR à l’épreuve. »
13          Isaïe dit alors :
              « Écoutez, maison de David !
              Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes :
              il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu !
14          C’est pourquoi le Seigneur lui-même
              vous donnera un signe :
              Voici que la vierge est enceinte,
              elle enfantera un fils,
              qu’elle appellera Emmanuel
              (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous).
15          De crème et de miel il se nourrira,
              jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien.
16          Avant que cet enfant sache rejeter le mal
              et choisir le bien,
              la terre dont les deux rois te font trembler
              sera laissée à l’abandon. »

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Sans le savoir, nous venons d’assister à l’une des pages les plus dramatiques de l’histoire du peuple d’Israël ; nous sommes vers 735 avant J.-C. : l’ancien royaume de David est divisé en deux petits royaumes, depuis environ deux cents ans ; deux rois, deux capitales : Samarie au Nord, Jérusalem au Sud ; c’est là, à Jérusalem, que règne la dynastie de David, celle dont naîtra le Messie ; pour l’instant, il est clair que le Messie n’est pas encore né ! Un jeune roi de 20 ans, Achaz, vient de monter sur le trône de Jérusalem, et dès le dernier son des  trompettes du couronnement, il doit prendre des décisions très difficiles.

La Bible n’est pas un livre d’histoire, nous le savons bien ; et si les paroles du  prophète Isaïe nous ont été conservées et transmises, c’est parce que la question qui se pose à Achaz est d’abord une question de foi. Pour prendre des décisions valables, il doit s’appuyer sur sa foi, c’est-à-dire ne compter que sur Dieu seul : Dieu a promis que la dynastie de David ne s’éteindrait pas ; il a promis, il tiendra ses promesses. Il n’abandonnera pas son peuple. C’est la conviction d’Isaïe.

Mais il est vrai que pour le jeune roi la responsabilité est très lourde ; la situation politique est inquiétante, le petit royaume de Jérusalem est pris en étau entre deux camps rivaux : le premier camp, c’est la puissance montante au Proche-Orient, l’empire Assyrien, dont la capitale est Ninive (actuellement, les ruines de Ninive sont tout près de Mossoul) ; il menace toute la région, et ses campagnes l’ont déjà mené jusqu’à Damas, en  Syrie, et en Samarie ; en 738, le roi de Damas et le roi de Samarie, vaincus, ont été obligés de capituler et de payer tribut.

L’autre camp, ce sont précisément ces deux petits royaumes de Syrie et de Samarie qui se révoltent contre Ninive et font le siège de Jérusalem pour détrôner Achaz et le remplacer par un autre roi qui acceptera d’être leur allié dans la guerre d’indépendance contre Ninive.

Achaz est pris de panique ; les versets précédents racontent que « son cœur et le cœur de son peuple furent agités comme les arbres de la forêt sont agités par le vent » (Is 7, 2). Isaïe commence par l’inviter au calme et à la confiance ; il lui dit quelque chose comme « fais confiance à Dieu, ta dynastie ne peut pas s’éteindre, puisqu’il l’a promis » ; et donc le conseil d’Isaïe c’est « affronte tranquillement les menaces qui se présentent, mise sur ta foi et sur les ressources de ton peuple ». Et il ajoute : « la foi est votre survie ; si vous ne croyez pas, toi et ton peuple, vous ne subsisterez pas. »

Mais Achaz n’écoute plus ; lui, le dépositaire de la foi au Dieu unique, offre des sacrifices à toutes les idoles et il va même jusqu’à faire la chose la plus atroce, malheureusement courante à cette époque dans les autres peuples, mais que tous les prophètes ont toujours interdite : il a tué son fils unique pour l’offrir en sacrifice ; le deuxième livre des Rois dit « il fit passer son fils par le feu » (2 R 16, 3).

Finalement Achaz ne voit qu’une issue : pour éviter la menace immédiate de ses deux voisins, les rois de Damas et de Samarie, il est décidé à demander l’appui  de l’empereur assyrien ; Isaïe est très opposé à cette solution, car tout se paie ! Achaz, en demandant cet appui, perd son indépendance politique et religieuse : c’est balayer d’un coup toute l’œuvre de libération entreprise depuis Moïse.

Et c’est là qu’Isaïe prononce les paroles que nous avons entendues aujourd’hui : comme on le voit, avant d’être adressées à nos oreilles de chrétiens, avec une signification pour nous, elles ont d’abord été prononcées dans une situation particulière très concrète. Il dit à Achaz « puisque tu as du mal à croire, demande à Dieu un signe ; tu peux le demander sur les hauteurs ou dans les vallées... Dieu règne partout ».

Achaz lui fait une réponse abominablement hypocrite : lui qui a déjà pris sa décision, tout-à-fait contraire aux conseils du prophète, et pire, lui qui, dans sa panique, a sacrifié son fils unique, sur qui reposait la promesse de Dieu, il dit : « Oh non ! Loin de moi l’idée d’oser exiger quelque chose de Dieu ! » C’est là qu’Isaïe, qui n’est pas dupe, lui dit « il ne vous suffit pas de fatiguer les hommes, il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu » et intentionnellement, il dit « mon Dieu » car il estime qu’Achaz se conduit comme s’il n’était plus dans l’Alliance.

Mais même devant ces infidélités répétées d’Achaz, Isaïe annonce que Dieu, lui, reste fidèle ; et Dieu va en donner la preuve : la « jeune femme »1 (c’est-à-dire la jeune reine) est enceinte ; et l’enfant qu’elle va donner au roi s’appellera justement « Dieu est avec nous ». Car ni les ennemis qui veulent détrôner Achaz, ni lui-même qui immole son fils n’empêcheront la fidélité promise par Dieu à la descendance de David et à son peuple.

Enfin les promesses concernent cet enfant-roi : « Il saura rejeter le mal et choisir le bien... » (ce qui veut dire : il recevra à son tour l’esprit du Seigneur pour être capable de rejeter le mal et de choisir le bien). Et la dernière promesse, c’est « Avant même que cet enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, (c’est-à-dire avant même que cet enfant ait grandi), elle sera abandonnée la terre dont les deux rois te font trembler ». Traduisez : quant à la menace des deux rois de Damas et de Samarie, elle sera vite oubliée puisque d’ici peu on ne parlera même plus d’eux. Effectivement, très peu de temps après les paroles d’Isaïe, les deux royaumes de Syrie et de Samarie ont été complètement écrasés par l’empire assyrien, leurs richesses emmenées à Ninive et leurs populations déplacées.

Il reste que les hommes et les rois demeurent libres ; et le jeune roi annoncé ici, le petit Ézéchias, commettra des erreurs à son tour ; mais la prophétie d’Isaïe restera toujours valable : quelles que soient les infidélités des hommes, rien n’empêchera la fidélité promise par Dieu à la descendance de David et à son peuple. C’est ainsi que, de siècle en siècle, on gardera au cœur les promesses de Dieu, avec la certitude qu’un jour, peut-être lointain, viendra enfin un roi digne de porter le nom d’Emmanuel.

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Note

1 – « Voici que la jeune femme est enceinte » : le texte hébreu du livre d’Isaïe emploie ici un mot qui ne signifie pas « la jeune fille vierge », mais une jeune femme mariée.

Complément

Premier étonnement : en quoi une naissance d’un bébé au palais royal mérite-t-elle une annonce aussi solennelle ? En réalité cette annonce dit plus qu’un heureux événement : plus que d’un berceau, elle parle de pardon. Car, en sacrifiant son fils, le dauphin, à une divinité païenne, le dieu Moloch, sous prétexte que l’ennemi était aux portes de la ville sainte, le jeune roi Achaz vient de commettre l’irréparable. C’est évidemment un grave manque de confiance en Dieu, mais c’est aussi un sabotage caractérisé de l’avenir de la dynastie. Car Dieu avait promis à David une royauté perpétuelle sur le trône de Jérusalem. Après le crime du roi, que restait-il de cette promesse ? Mais c’est compter sans la fidélité de Dieu !

PSAUME 23 (24), 1-2. 3-4. 5-6

 

 1  Au SEIGNEUR, le monde et sa richesse,
la terre et tous ses habitants !         
2  C'est lui qui l'a fondée sur les mers
et la garde inébranlable sur les flots.
3  Qui peut gravir la montagne du SEIGNEUR
et se tenir dans le lieu saint ?
4   L'homme au cœur pur, aux mains innocentes,
qui ne livre pas son âme aux idoles.
5   Il obtient, du SEIGNEUR, la bénédiction,
et de Dieu son Sauveur, la justice.
6   Voici le peuple de ceux qui le cherchent
qui recherchent la face de Dieu !

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Comme dans presque tous les psaumes, nous sommes au Temple de Jérusalem : une  gigantesque procession s’avance : à l’arrivée aux portes du Temple, deux chorales alternées entament un chant dialogué : « Qui gravira la montagne du SEIGNEUR ? » (On sait que le temple est bâti sur la hauteur) ; « Qui pourra tenir sur le lieu de sa sainteté ? » Déjà Isaïe comparait le Dieu trois fois saint à un feu dévorant : au chapitre 33, il posait la même question : « Qui de nous tiendra devant ce feu dévorant ? Qui tiendra devant ces flammes éternelles ? » sous-entendu « par nous-mêmes, nous ne pourrions pas soutenir sa vue, le flamboiement de son rayonnement ». Cette question est en réalité le cri de triomphe du peuple élu : admis sans mérite de sa part dans la compagnie du Dieu saint ; telle est la grande découverte du peuple d’Israël : Dieu est le Saint, le tout-Autre ; « Saint, Saint Saint le SEIGNEUR Dieu de l’univers » chantaient les séraphins pendant l’extase d’Isaïe au jour de sa  vocation (Is 6, 3)... et en même temps ce Dieu tout-Autre se fait le tout-proche de l’homme et lui permet de « tenir »,  comme dit Isaïe, en sa compagnie.

Le chant continue : « l’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles » : voilà la réponse, voilà l’homme qui peut « tenir » devant Dieu. Il ne s’agit pas ici, d’abord, d’un comportement moral : puisque le peuple se sait admis devant Dieu, sans mérite de sa part ; il s’agit d’abord ici de l’adhésion de la foi au Dieu unique, c’est-à-dire du refus des idoles. La seule condition exigée du peuple élu pour pouvoir « tenir » devant Dieu c’est de rester fidèle au Dieu unique. C’est de « ne pas livrer son âme aux idoles », pour reprendre les termes de notre psaume. D’ailleurs, si on y regarde de plus près, la traduction littérale serait : « l’homme qui n’a pas élevé son âme vers des dieux vides » : or l’expression « lever son âme » signifie « invoquer » ; « lever les yeux vers quelqu’un » en langage biblique, cela veut dire le prier, le supplier, le reconnaître comme Dieu. L’homme qui peut tenir devant le Dieu d’Israël, c’est celui qui ne lève pas les yeux vers les idoles, comme le font les autres peuples.

« L’homme au cœur pur » cela veut dire la même chose : le mot « pur » dans la Bible a le même sens  qu’en chimie : on dit qu’un corps chimique est pur quand il est sans mélange ; le cœur pur, c’est celui qui se détourne résolument des idoles pour se tourner vers Dieu seul.

« L’homme aux mains innocentes », c’est encore dans le même sens ; les mains innocentes, ce sont celles qui n’ont pas offert de sacrifices aux idoles, ce sont celles aussi qui ne se sont pas levées pour la prière aux faux dieux.

Il faut entendre le parallélisme entre les deux lignes (on dit les deux « stiques ») de ce verset : « L’homme au cœur pur, aux mains innocentes... qui ne livre pas son âme aux idoles. » Le deuxième membre de phrase est synonyme du premier. « L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, c’est celui qui ne livre pas son âme aux idoles. »

Nous touchons là à la lutte incessante que les prophètes ont dû mener pour que le peuple élu abandonne définitivement toute pratique idolâtrique ; dans la première lecture, nous avions vu Isaïe aux prises avec le roi Achaz au huitième siècle ; mais ce ne sera pas fini ; pendant l’Exil à Babylone le peuple sera en contact avec une civilisation polythéiste ; ce psaume chanté au retour de l’Exil réaffirme encore avec force cette condition première de l’Alliance. Israël est le peuple qui, de toutes ses forces, « recherche la face de Dieu », comme dit le dernier verset. L’expression « rechercher la face » était employée pour les courtisans qui voulaient être admis en présence du roi : manière de nous rappeler que, pour Israël, le seul véritable roi, c’est Dieu lui-même.

Tandis que les idoles ne sont que des « dieux vides » comme on dit ; à commencer par le veau d’or sculpté dans le Sinaï pendant l’Exode, au moment où Moïse avait le dos tourné, si j’ose dire ; parce que Moïse tardait à redescendre de la montagne, où il avait rencontré Dieu, le peuple a fait le siège d’Aaron jusqu’à ce qu’il accepte de leur prendre tout leur or pour en faire le fameux veau. Les prophètes n’ont pas de mots trop sévères pour fustiger ceux qui fabriquent de toutes pièces une statue, pour ensuite s’agenouiller devant elle.

Le psaume 115 (113 en liturgie) est très clair à ce sujet : « Leurs idoles sont d’or et d’argent, faites de main d’homme. Elles ont une bouche et ne parlent pas ; elles ont des yeux et ne voient pas ; elles ont des oreilles et n’entendent pas ; elles ont un nez et ne sentent pas ; des mains et elles ne palpent pas ;  des pieds et ne marchent pas ; elles ne tirent aucun son de leur gosier... Notre Dieu, lui, est dans les cieux ; tout ce qu’il a voulu, il l’a fait. »  

Cette fidélité au Dieu unique est la seule condition pour être en mesure d’accueillir la bénédiction promise aux patriarches, pour entrer dans le salut promis ; combat jamais tout-à-fait gagné puisque Jésus, à son tour, jugera utile de rappeler « Nul ne peut avoir deux maîtres... » (Mt 6, 24).

À un deuxième niveau, cette fidélité au Dieu unique entraînera des conséquences concrètes dans la vie sociale : l’homme au cœur pur deviendra peu à peu un homme au cœur de chair qui ne connaît plus la haine ; l’homme aux mains innocentes ne fera plus le mal ; le verset suivant « il obtient de Dieu son Sauveur la justice » dit bien ces deux niveaux : la justice, dans un premier sens, c’est la conformité au projet de Dieu ; l’homme juste c’est celui qui remplit fidèlement sa vocation ; ensuite, la justice nous engage concrètement à conformer toute notre vie sociale au projet de Dieu qui est le bonheur de ses enfants.

En redisant ce psaume, on entend se profiler les Béatitudes : « Heureux les affamés et assoiffés de justice, ils seront rassasiés... Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ».

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Complément

« Lever les yeux » : on retrouve cette expression dans la fameuse phrase du prophète Zacharie reprise par saint Jean « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé » (Jn 19, 37).

DEUXIÈME LECTURE – Lettre de saint Paul apôtre aux Romains  1, 1 - 7

 

1          Paul, serviteur du Christ Jésus,
            appelé à être Apôtre,
            mis à part pour l’Évangile de Dieu,
            à tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome.
2          Cet Évangile, que Dieu avait promis d’avance
            par ses prophètes dans les saintes Écritures,
3          concerne son Fils qui, selon la chair,
            est né de la descendance de David
4          et, selon l’Esprit de sainteté,
            a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu
            par sa résurrection d’entre les morts,
            lui, Jésus Christ, notre Seigneur.
5          Pour que son nom soit reconnu,
            nous avons reçu par lui grâce et mission d’Apôtre,
            afin d’amener à l’obéissance de la foi
            toutes les nations païennes,
6          dont vous faites partie,
            vous aussi que Jésus Christ a appelés.
7          À vous qui êtes appelés à être saints,
            la grâce et la paix
            de la part de Dieu notre Père
            et du Seigneur Jésus Christ.

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                        Ce sont les premiers mots que Paul adresse aux Romains ; en quelques lignes, nous avons déjà le résumé de toute la foi chrétienne : les promesses de Dieu dans les Écritures, le mystère du Christ, sa naissance et sa Résurrection, l’élection gratuite du peuple saint, et la mission des Apôtres auprès des nations païennes. Je vous propose tout simplement une lecture en suivant.

                        S’adressant à une communauté chrétienne qu’il n’a encore jamais rencontrée, Paul se présente : son titre est double « serviteur de Jésus-Christ », et « apôtre » c’est-à-dire en quelque sorte mandaté ; il n’agit qu’en service commandé : voilà la source de toutes ses audaces.

                        Au passage, il faut noter le titre donné à Jésus : « Christ » ; à lui seul, c’est une profession de foi. Pour nous, dire « Jésus » ou dire le « Christ », c’est la même chose ; après deux mille ans de foi chrétienne, c’est normal ; mais ses contemporains faisaient la différence : « Jésus », c’est un prénom qui désigne quelqu’un ; le « Christ », c’est un titre puisque « Christ » signifie « Messie » : c’est tout simplement la traduction grecque du mot hébreu « Messie ». Dire Jésus-Christ, c’est déjà affirmer le tout de la foi chrétienne : ce Jésus de Nazareth est le Messie.

                        Paul continue « Mis à part pour l’Évangile de Dieu » : pour bien faire, il faudrait renverser la formule : annoncer la Bonne Nouvelle, c’est annoncer que la Nouvelle est Bonne ! C’est annoncer que le dessein de Dieu, le projet de Dieu est bienveillant, j’aurais envie de dire « le dessein de Dieu n’est que bienveillant » ; être chrétien, c’est tout simplement annoncer deux choses : premièrement que le dessein de Dieu n’est que bienveillant et deuxièmement qu’il est accompli en Jésus-Christ. C’est exactement ce que fait Paul dans ces quelques lignes. 

                        Reprenons le texte : « Cette Bonne Nouvelle, Dieu l’avait déjà promise par ses prophètes dans les saintes Écritures » ; je crois fermement qu’on ne peut rien comprendre à l’Évangile et à l’ensemble du Nouveau Testament si on n’est pas imprégné de l’Ancien Testament : les deux font un tout indissociable ; le dessein de Dieu est prévu  depuis l’aube du monde, et c’est peu à peu que Dieu l’a révélé à son peuple par la bouche de ses prophètes.

                        « Cette Bonne Nouvelle concerne son Fils » dit Paul : il faut entendre le mot « concerner » en un  sens beaucoup plus fort qu’on ne l’emploie aujourd’hui. Pour Paul, Jésus-Christ est depuis toujours au centre du projet de Dieu : quand il parle du dessein bienveillant dans sa lettre aux Éphésiens, il dit que « Dieu l’a arrêté d’avance en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement » ; c’est-à-dire que depuis toujours et dès l’origine du monde, Dieu poursuit son projet de rassembler l’humanité tout entière unifiée en Jésus-Christ.

                        « Selon la chair, il est né de la race de David » : il est homme, membre du peuple élu, descendant de David ; il remplit bien les conditions pour être le Messie. « Selon l’Esprit qui sanctifie, il a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts » : traditionnellement, le titre de fils de Dieu était donné à chaque roi le jour de son couronnement ; pour Jésus-Christ c’est le jour de sa résurrection que Dieu l’a intronisé comme roi de l’humanité nouvelle. Pour Paul, la Résurrection du Christ est vraiment l’événement qui bouleverse la face du monde.

          Curieusement, Paul ne parle pas de la mort du Christ, mais seulement de sa Résurrection : on sait qu’elle est pour lui le premier article de foi. « Si Jésus-Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vide » dit-il aux Corinthiens (1 Co 15, 14). C’est cette résurrection du Christ que Paul va annoncer partout « Pour que le nom de Jésus-Christ soit honoré », comme il dit. On retrouve ici la si belle formule de la lettre aux Philippiens : « Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom », entendez le nom même de Seigneur qui était réservé à Dieu et qui, désormais, est attribué à Jésus lui-même.

          Il s’agit « d’amener à l’obéissance de la foi toutes les nations païennes ». Curieuse formule, aujourd’hui, pour nos mentalités peu favorables à tout ce qui ressemble à de l’obéissance. Mais chez Paul, imprégné de l’Ancien Testament et des découvertes progressives qu’ont faites les hommes de la Bible, le mot « obéissance » n’est pas servilité, abaissement ; il signifie l’écoute confiante de celui qui se sait en sécurité et peut donc suivre les conseils qui lui sont donnés ; c’est l’attitude filiale par excellence. « Amener à l’obéissance de la foi toutes les nations païennes », c’est leur annoncer la Bonne Nouvelle : quand elles auront compris que la Nouvelle est Bonne, elles pourront en toute confiance mettre leur oreille sous cette parole d’amour du Père.

          Paul termine par un souhait très habituel chez lui ; c’est le souhait le plus beau que l’on puisse faire à quelqu’un : « Que la grâce et la paix soient avec vous tous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ notre Seigneur ». Comme toujours on sait que ces souhaits au subjonctif (que la grâce et la paix soient avec vous) ne supposent pas que Dieu pourrait ne pas nous donner sa grâce et sa paix ; grâce et paix nous sont toujours offertes par Dieu, mais nous restons libres de ne pas les accueillir : ce subjonctif dit notre liberté.

          Paul ne fait que reprendre ici la superbe formule du livre des Nombres (Nb 6, 24-26) : « Que le SEIGNEUR te bénisse et te garde, qu’il fasse sur toi rayonner son visage ; que le SEIGNEUR te découvre sa face, qu’il te prenne en grâce et t’apporte la paix ».

ÉVANGILE de Jésus Christ selon saint Matthieu  1, 18 - 24

 18          Voici comment fut engendré Jésus Christ :
              Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ;
              avant qu’ils aient habité ensemble,
              elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
19          Joseph, son époux,
              qui était un homme juste,
              et ne voulait pas la dénoncer publiquement,
              décida de la renvoyer en secret.
20          Comme il avait formé ce projet,
              voici que l’ange du Seigneur
              lui apparut en songe et lui dit :
              « Joseph, fils de David,
              ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse,
              puisque l’enfant qui est engendré en elle
              vient de l’Esprit Saint ;
21          elle enfantera un fils,
              et tu lui donneras le nom de Jésus
              (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve),
              car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
22          Tout cela est arrivé
              pour que soit accomplie
              la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
23          Voici que la Vierge concevra,
et elle enfantera un fils ;

              on lui donnera le nom d’Emmanuel,

              qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».

24          Quand Joseph se réveilla,
              il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit :
              il prit chez lui son épouse.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

          

Saint Matthieu débute son évangile par la phrase « Livre de la genèse de Jésus-Christ 1» et il retrace  une longue généalogie qui montre bien que Joseph est de la descendance de David ; il commence par « Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères ... » et ainsi de suite. Arrivé à Joseph qui se trouve être fils d’un autre Jacob, il dit comme on s’y attend « Jacob engendra Joseph », mais ensuite, il ne peut plus employer la même formule : il ne peut évidemment pas dire « Joseph engendra Jésus » ; il dit « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, que l’on appelle Christ ».

           Ce verset montre bien la rupture dans la généalogie : selon la formule habituelle (« Joseph engendra Jésus ») celui-ci serait automatiquement de la lignée de David ; mais ici, pour que Jésus soit inscrit dans cette lignée, il faut qu’il soit adopté par Joseph : déjà le Fils de Dieu est livré aux mains des hommes, le dessein de Dieu est suspendu à l’acceptation, au bon vouloir d’un homme, Joseph. C’est dire l’importance de notre récit pour Matthieu.

           Or nous connaissons bien le récit de l’Annonciation (dans l’évangile de Luc), « l’annonce faite à Marie » comme disait Claudel ; il a inspiré d’innombrables tableaux, sculptures, vitraux... Mais curieusement, l’annonce faite par l’ange à Joseph a inspiré des artistes beaucoup moins nombreux. 

           Et pourtant, cette acceptation libre d’un homme juste conditionne le début de l’histoire humaine de Jésus. Matthieu y insiste encore : quand l’Ange s’adresse à Joseph, il l’appelle « fils de David » ; les paroles qui suivent montrent bien le mystère de la filiation de Jésus : engendré par l’Esprit-Saint et non par Joseph, il sera cependant reconnu comme son fils : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse » veut dire que Jésus sera introduit dans sa maison ; et d’autre part, c’est Joseph qui donnera à Jésus son nom.

           À propos de ce nom de Jésus, Matthieu en donne le sens, « Jésus veut dire le Seigneur sauve » et il explique « Car c’est lui qui sauvera le peuple de ses péchés ». Précision intéressante : le peuple juif attendait impatiemment le Messie et pas seulement un Messie politique qui le libérerait de l’occupation romaine. Nous avons déjà eu l’occasion de parler de cette attente messianique : on attendait un roi, un leader politique, c’est vrai, de la descendance de David, et c’est lui qui devait restaurer la royauté en Israël, mais on attendait aussi et surtout l’avènement du monde nouveau, de la création nouvelle, dans la justice et la paix pour tous. Il y a tout cela dans le nom de Jésus tel que Matthieu le comprend «  c’est lui qui sauvera le peuple de ses péchés ».

            Je reviens sur la phrase « l’enfant qui est engendré en Marie vient de l’Esprit-Saint » : nous possédons deux textes sur la conception virginale de Jésus : ce passage de l’annonce à Joseph dans l’évangile de Matthieu et le parallèle de l’annonce à Marie chez Luc. La tradition de l’Église nous enseigne que les Écritures, y compris le Nouveau Testament, sont inspirées par l’Esprit-Saint. La conception virginale de Jésus est donc un article de foi. Bien évidemment, il ne s’agit pas de prétendre comprendre ni le pourquoi ni le comment de cette volonté souveraine de Dieu ; nous pouvons seulement nous émerveiller de ce plan qui fait de Jésus à la fois un homme, né d’une femme, venu au monde comme tout le monde si j’ose dire... descendant de David par le bon vouloir de Joseph, et en même temps Fils Unique de Dieu, conçu de l’Esprit-Saint.

            Je reprends le texte : Matthieu cite les Écritures, et justement la promesse du prophète Isaïe à Achaz que nous avons entendue dans la première lecture : « Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel qui signifie Dieu-avec-nous ».

            Deux remarques sur cette citation de l’Ancien Testament par Matthieu : premièrement, le texte hébreu d’Isaïe disait « Voici que la jeune femme est enceinte » (En hébreu « alma » signifie l’épouse royale) et Matthieu, lui, parle d’une vierge (en grec, « parthenos »). En fait, Matthieu cite ici non le texte hébreu d’Isaïe mais la traduction grecque faite à Alexandrie vers 250 av. J.-C. ; car déjà à l’époque de cette traduction, on pensait que le Messie naîtrait d’une Vierge.

            Deuxième remarque sur le nom de Jésus, cette fois : l’ange dit : « Tu appelleras ton fils Jésus (c’est-à-dire : « le Seigneur sauve »), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Et Matthieu commente : Tout cela arriva pour que s’accomplît la parole du Seigneur ... on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».

            On a presque envie de demander : « Finalement, il s’appelle comment ? Jésus ? Ou Emmanuel ? Bien évidemment c’est le but de Matthieu ; et la réponse, il nous la donnera à la fin de son évangile. Cet enfant s’est appelé Jésus, nous le savons bien, (et cela veut dire « le Seigneur sauve son peuple de ses péchés ») mais quand il quittera les siens il leur dira « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps », ce qui est la traduction d’Emmanuel. Être sauvé de ses péchés, c’est tout simplement savoir que Dieu est avec nous, ne plus jamais douter qu’il est avec nous et « vivre en sa présence » comme le disait le prophète Michée. C’est ce qu’a fait Joseph justement.

            Dans le récit de la Visitation qui nous est rapporté par l’évangile de Luc, Élisabeth dit à Marie « Bienheureuse celle qui a cru ; ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira ». Ici, on est tenté de reprendre ces mêmes mots pour Joseph : « Bienheureux Joseph qui a cru : grâce à lui, Dieu a pu accomplir son dessein de salut ».

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Note

1 – Dans son premier chapitre, Matthieu, parlant des origines de Jésus Christ, emploie deux fois le mot « genèse » (Mt 1, 1. 18). Ce n’est évidemment pas un hasard : car c’est le mot employé pour présenter la descendance d’Adam au chapitre 5 du livre de la Genèse. Le texte disait : « Voici le livre de la genèse d’Adam » ; en reprenant le même mot, Matthieu veut certainement suggérer que Jésus récapitule en lui toute l’histoire humaine. Paul dirait « il est le Nouvel Adam ».

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